Pour la première fois, cinq pays africains – le Ghana, le Liberia, la Sierra Leone, la Gambie et le Soudan – ont décidé d’augmenter significativement leur participation financière au Fonds africain de développement (FAD), la branche concessionnelle du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD). Réunis à Abidjan en marge des assemblées annuelles de l’institution, ces pays ont annoncé une contribution collective de 16 millions de dollars pour le nouveau cycle de financement du FAD. Il s’agit d’un engagement plus de trois fois supérieur à celui du cycle précédent, qui ne s’élevait qu’à 5 millions de dollars.
Cette évolution traduit une volonté claire de certains pays africains de s’impliquer plus activement dans le financement du développement sur le continent. Le Ghana s’est engagé à hauteur de 5 millions de dollars, tandis que le Soudan, le Liberia et la Sierra Leone contribueront chacun à hauteur de 3 millions. La Gambie, de son côté, versera 2 millions. Au-delà du geste financier, ces contributions envoient un message fort : certains pays traditionnellement considérés comme bénéficiaires souhaitent désormais prendre part au pilotage stratégique du développement, en participant eux-mêmes aux instruments de financement multilatéraux.
Dans une déclaration faite à cette occasion, Sheku Bangura, ministre sortant des Finances de la Sierra Leone, a affirmé : « C’est le moment de positionner nos pays non pas comme des bénéficiaires passifs, mais comme des réformateurs agiles et des destinations d’investissement crédibles. » Le choix de s’exprimer collectivement, en marge d’un sommet de la BAD, n’est pas anodin : il reflète une volonté d’agir de manière coordonnée et de peser davantage dans les discussions sur l’orientation des ressources.
L’impact de cette décision est également perceptible à l’échelle du Fonds lui-même. Le nombre de pays africains contributeurs passe ainsi de huit à treize, soit une hausse de 62,5%. Cette tendance révèle une dynamique de responsabilisation croissante des États africains dans le financement de leur développement. Elle s’accompagne souvent de réformes structurelles permettant de renforcer la mobilisation des ressources intérieures. C’est le cas, par exemple, de la Gambie, qui a doublé en deux ans son ratio impôts/PIB, ou encore du Ghana, qui a misé sur la numérisation de son système fiscal pour élargir sa base de recettes. D’autres pays, comme la Sierra Leone ou le Soudan, ont bénéficié d’un accompagnement ciblé pour répondre à des besoins spécifiques, notamment en matière d’infrastructures ou de gestion de crises.
Dans cette logique, le Liberia a été désigné pour piloter l’initiative de la Banque africaine de développement en faveur de l’entrepreneuriat des jeunes. Cette responsabilité témoigne d’une reconnaissance du rôle croissant que ces pays peuvent jouer en matière de gouvernance et d’innovation économique. Elle illustre également la volonté de la BAD d’encourager un développement plus endogène et plus inclusif.
L’ambition affichée par ces États ne se limite pas à renforcer leur légitimité symbolique. À travers cette démarche, ils cherchent aussi à poser les bases d’une sortie progressive de la dépendance à l’aide extérieure. L’objectif est clair : renforcer la mobilisation des ressources nationales, attirer des financements privés, et convertir les transferts de fonds de la diaspora en instruments de développement durable. Cette trajectoire vise à terme un accès accru aux financements non concessionnels, aujourd’hui réservés à des économies plus robustes.
Toutefois, cette transition vers des instruments de financement autonomes nécessite de solides garanties en matière de stabilité macroéconomique, de crédibilité budgétaire et de qualité des projets présentés. Les défis restent nombreux pour ces pays aux marges de solvabilité parfois fragiles, mais leur volontarisme réformateur constitue une base sur laquelle bâtir de nouvelles approches du développement.
Le renouvellement en cours des équipes dirigeantes, notamment avec l’arrivée de nouveaux ministres des Finances au Ghana (Dr. Cassiel Ato Forson) et au Liberia (Augustine Kpehe Ngafuan), s’inscrit dans cette continuité. Il s’agira pour eux de consolider les efforts déjà entamés sous l’impulsion du ministre Bangura et du directeur exécutif Rufus Darkortey. L’alignement des orientations et la stabilité des engagements dans la durée seront déterminants pour renforcer la crédibilité du signal envoyé.
À travers cette initiative commune, ces cinq pays entendent démontrer qu’ils ne veulent plus rester à la périphérie des décisions concernant le financement du développement en Afrique. Leur implication dans le Fonds africain de développement pourrait ainsi tracer une voie que d’autres pays africains choisiront de suivre, contribuant à redéfinir les équilibres du partenariat multilatéral sur le continent.