Le 19 juin 2025, le Niger a franchi une étape décisive. Le Conseil des ministres a annoncé la nationalisation de la Société des Mines de l’Aïr (SOMAÏR), acteur clé de l’industrie uranifère du pays. Relayée par la télévision nationale (RTN), cette décision marque la fin de la coopération avec le groupe français Orano. Pourquoi ce choix ? Quelles sont les implications ? Analyse d’un virage historique.
Une mine cruciale pour l’uranium
Créée en 1971, SOMAÏR exploite les gisements d’uranium d’Arlit, dans le nord du Niger. Jusqu’à la nationalisation, elle était détenue à 63,4% par Orano et à 36,6% par l’État nigérien via la SOPAMIN (Société du Patrimoine des Mines du Niger). La mine produit du « yellowcake », un concentré d’uranium destiné aux centrales nucléaires, principalement en France. En 2023, SOMAÏR a produit environ 1 500 tonnes d’uranium, soit une part significative des exportations nigériennes.
La nationalisation transfère l’ensemble des actions et du patrimoine de SOMAÏR à l’État. « Cette nationalisation va permettre une gestion plus saine et plus durable de la société et, par conséquent, la jouissance optimale des richesses issues de leurs ressources minières, par les Nigériens », a déclaré le gouvernement dans un communiqué du 19 juin 2025, relayé par Actu Niger.
Une rupture avec Orano
Cette décision s’inscrit dans un contexte de tensions avec la France. Depuis le coup d’État de juillet 2023, qui a renversé le président Mohamed Bazoum, le Niger, dirigé par le général Abdourahamane Tiani, accuse Orano de pratiques déloyales. Le gouvernement a dénoncé le « comportement irresponsable, illégal et déloyal d’Orano, société détenue par l’État français », selon le communiqué du 19 juin 2025. Il reproche à l’entreprise d’avoir bloqué les activités minières après l’expiration de l’accord d’exploitation en décembre 2023.
En mai 2025, des perquisitions dans les bureaux d’Orano à Niamey ont accentué la crise, avec la saisie d’équipements. La nationalisation officialise l’exclusion d’Orano, mettant fin à plus de 50 ans de partenariat franco-nigérien dans l’uranium.
Enjeux économiques et défis
Le Niger est le septième producteur mondial d’uranium, représentant environ 4% de l’offre globale. Avec une hausse des prix de 40% depuis 2020, l’uranium est une ressource stratégique. La nationalisation vise à maximiser les revenus pour l’État, mais elle soulève des défis. L’exploitation d’une mine d’uranium exige une expertise technique et des financements que le Niger pourrait peiner à mobiliser seul. La SOPAMIN, désormais en charge, devra assurer la continuité de la production.
En 2024, environ 1 300 tonnes de concentré d’uranium, d’une valeur de 250 millions d’euros, étaient bloquées à Arlit en raison de tensions avec le Bénin, selon Le Monde. Cette situation illustre les difficultés logistiques auxquelles le Niger pourrait faire face.
Réactions internationales
Orano conteste vivement la nationalisation. « Nous avons saisi les juridictions internationales compétentes pour protéger nos intérêts », a déclaré le groupe dans un communiqué du 19 juin 2025, cité par enderi.fr. L’entreprise, qui fournissait 20% de l’uranium consommé en France via SOMAÏR, doit désormais réorganiser ses approvisionnements. Le Monde rapporte qu’Orano a engagé des procédures d’arbitrage auprès du CIRDI dès janvier 2025, signe d’un conflit juridique prolongé.
La nationalisation pourrait affecter le marché mondial de l’uranium. Une perturbation de la production à Arlit risquerait d’accentuer la volatilité des prix, selon lenergeek.com, dans un contexte où la demande pour l’énergie nucléaire croît.
Un symbole de souveraineté
La nationalisation de SOMAÏR reflète la volonté du Niger de contrôler ses ressources. Elle s’inscrit dans une dynamique régionale, où des pays comme le Mali et le Burkina Faso cherchent à réduire l’influence occidentale. Cependant, la région d’Arlit reste instable, marquée par des menaces djihadistes, ce qui complique la gestion des opérations minières.
Le succès de cette nationalisation dépendra de la capacité du Niger à maintenir la production et à trouver des partenaires fiables. Pour l’heure, aucun accord avec d’autres pays n’a été officiellement confirmé. À Arlit, l’avenir de l’uranium nigérien repose désormais sur les épaules de l’État.