À fin mars 2025, l’État ivoirien continue de piloter sa dette publique avec prudence. Mais la montée des charges de remboursement, notamment sur le marché domestique, appelle à une vigilance accrue.
Dans un environnement économique régional encore exposé aux chocs externes — inflation importée, resserrement des taux d’intérêt mondiaux, pression sur les devises — la Côte d’Ivoire poursuit une stratégie d’endettement mesurée. Selon le Bulletin statistique de la dette publique publié par la Direction Générale des Financements (DGF), l’encours global de la dette publique reste à un niveau jugé soutenable, avec un ratio dette/PIB sous le seuil de 70%, conformément aux critères de convergence de l’UEMOA.
Une dette extérieure dominée par l’euro et les titres à taux fixe
À la fin du premier trimestre 2025, la dette extérieure ivoirienne reste majoritairement structurée autour de créanciers multilatéraux et de marchés financiers internationaux. Les porteurs de titres – notamment les détenteurs d’euro-obligations – représentent près d’un tiers de l’encours extérieur. Les eurobonds émis par la Côte d’Ivoire pèsent fortement dans le profil de remboursement à moyen terme.
Côté structure, près de 88% de cette dette extérieure est contractée à taux fixe, ce qui limite l’exposition du pays à une hausse soudaine des taux internationaux. Sur le plan monétaire, l’euro reste la devise dominante (69%), suivi du dollar américain (13%), du yuan et du franc CFA.
Pour l’année 2025, le service de la dette extérieure est estimé à 2 411 milliards FCFA, répartis entre 1 622 milliards pour le principal et 789 milliards pour les intérêts.
Une dette intérieure plus lourde et concentrée
La dette intérieure pèse plus lourd encore dans les charges de remboursement prévues cette année. Son service est estimé à 3 758 milliards FCFA en 2025, dont plus de 80% pour le remboursement du capital. Cette dette est principalement détenue par les banques commerciales locales (68,7%) et par des entreprises et autres acteurs institutionnels. Les principaux instruments utilisés sont les obligations par syndication (48,1%) et les titres issus des adjudications sur le marché régional (35,1%).
Ce niveau élevé de service de la dette intérieure représente un risque de tension sur les liquidités bancaires et appelle à une gestion prudente du calendrier d’émissions.
Des réformes pour encadrer l’endettement
Pour renforcer la gouvernance de la dette publique, l’État a mis en œuvre une loi organique sur la dette adoptée en juin 2024, ainsi que la création du Comité National de la Dette Publique (CNDP). Ces mesures visent à institutionnaliser le suivi et la coordination de l’endettement public, et à améliorer la transparence des opérations.
Par ailleurs, la Côte d’Ivoire a mis en place des instruments de couverture du risque de change, notamment des swaps de devises sur les eurobonds. Ces opérations permettent d’atténuer les effets d’éventuelles dépréciations du franc CFA vis-à-vis des devises de remboursement. Un exemple récent est la mise en œuvre d’un swap dette-éducation avec la Banque mondiale, à hauteur de 400 millions d’euros, destiné à refinancer des prêts coûteux tout en finançant des projets éducatifs.
Un équilibre encore fragile
Malgré une gestion proactive, la trajectoire de la dette publique doit rester sous surveillance. Les échéances prévues entre 2025 et 2030, en particulier sur les euro-obligations, pourraient générer une pression significative sur les finances publiques. En parallèle, toute variation défavorable du taux de change entre le franc CFA et l’euro ou le dollar alourdirait mécaniquement le service de la dette extérieure.
Enfin, dans un contexte de besoins sociaux élevés, notamment en matière d’infrastructures, d’éducation et de santé, l’État devra maintenir un équilibre délicat entre investissement public et soutenabilité budgétaire.
En conclusion, le bulletin publié par la DGF offre un instantané clair de la stratégie ivoirienne d’endettement au 1er trimestre 2025 : rigoureuse, structurée, mais exposée à plusieurs risques. La trajectoire reste maîtrisée, mais exige un pilotage fin, notamment face aux incertitudes extérieures et à la pression croissante du service de la dette intérieure.