Avec le lancement de sa première monnaie numérique, la Libye espère surmonter ses fragilités structurelles et s’imposer comme un acteur régional de l’innovation technologique.
Alors que la Libye tente de se relever après plus d’une décennie de crises politiques et économiques, le numérique s’invite désormais au cœur des stratégies de relance. Le 1er juillet 2025, la Libyan Digital Technology Company a annoncé, lors du Salon international des technologies et de l’économie numérique (I-TEX) à Benghazi, le lancement officiel du LYDC, la première monnaie numérique nationale du pays. Un projet ambitieux qui entend conjuguer inclusion financière, autonomisation des jeunes et diversification de l’économie.
Conçu sur la blockchain Solana et basé sur le standard SPL Token-2022, le LYDC se présente comme un actif numérique à haute valeur technologique, offrant des garanties de sécurité, de rapidité et de transparence des transactions. Mais au-delà de l’innovation technique, c’est bien une vision de transformation économique que porte ce projet, dans un pays encore fortement dépendant des revenus pétroliers et marqué par un taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes.
Le docteur Okba K. Hifter, président de la Libyan Digital Technology Company, est à l’origine de cette initiative. Entrepreneur formé aux États-Unis et figure engagée de la diaspora libyenne, il veut faire du LYDC un outil de développement durable, au service d’une économie plus inclusive. « LYDC est bien plus qu’un simple actif numérique ; c’est un engagement envers l’avenir de notre nation », affirme-t-il. L’objectif est clair : offrir aux citoyens, y compris ceux exclus du système bancaire traditionnel, un accès simplifié aux services financiers grâce à une application mobile conviviale.
Le projet bénéficie d’un accueil favorable des autorités financières. Neuf jours seulement après le lancement de la prévente, la Banque centrale de Libye a publié, le 15 juin, une déclaration inédite saluant le potentiel des cryptomonnaies et des technologies financières. Bien que le LYDC soit un projet privé et indépendant, cette réaction marque une ouverture notable de l’institution à l’égard des actifs numériques. Elle ouvre la voie à une possible coopération en matière de régulation, un enjeu clé pour l’ancrage légal et institutionnel de ce type d’initiatives.
À travers ce lancement, les promoteurs du LYDC souhaitent faire de la Libye un pôle d’attraction pour les talents et les investissements numériques dans la région. Le conseiller du projet, Senton Kacaniku, a rappelé les références qui ont inspiré cette vision stratégique : « Notre vision, inspirée des succès économiques de Dubaï, de l’Estonie et de Singapour, est de positionner la Libye comme la Silicon Valley de la Méditerranée. » La comparaison est ambitieuse, mais elle traduit la volonté de rompre avec les approches économiques classiques.
Concrètement, le LYDC entend agir sur plusieurs fronts : renforcer l’inclusion financière grâce à des solutions de paiement accessibles, soutenir l’innovation en finançant des startups technologiques locales, et réorienter les ressources vers des secteurs d’avenir comme la fintech, l’intelligence artificielle ou les énergies renouvelables. L’utilisation de la blockchain garantit par ailleurs une traçabilité et une sécurité accrues, des critères essentiels pour restaurer la confiance dans un pays confronté à des enjeux de transparence.
La feuille de route prévoit un déploiement en plusieurs phases : accès communautaire dans un premier temps, inscription sur les plateformes internationales d’échange, puis création d’une Bourse numérique libyenne (LYDX). À terme, les initiateurs visent une gouvernance totalement décentralisée et une intégration aux réseaux mondiaux de paiement.
Pourtant, des défis subsistent. Le succès du projet reposera sur la capacité à mobiliser les populations, à sécuriser les investissements et à bâtir un cadre juridique stable. Dans un environnement où les inégalités d’accès à internet et la méfiance envers les institutions demeurent fortes, le pari du numérique comme levier de croissance n’est pas sans risque.
Le lancement du LYDC ouvre néanmoins un nouveau chapitre dans la stratégie de développement libyenne. En s’appuyant sur les outils technologiques les plus avancés, le pays cherche à se repositionner sur l’échiquier économique régional. Reste à savoir si cette monnaie numérique saura réellement dépasser l’effet d’annonce pour transformer, en profondeur, les bases d’un modèle économique en reconstruction.