Lidea s’installe en Côte d’Ivoire : un pas stratégique pour renforcer la souveraineté semencière en Afrique de l’Ouest

0
55
Lidea s’installe en Côte d’Ivoire : un pas stratégique pour renforcer la souveraineté semencière en Afrique de l’Ouest
Lidea s’installe en Côte d’Ivoire : un pas stratégique pour renforcer la souveraineté semencière en Afrique de l’Ouest

Le semencier européen Lidea poursuit son expansion à l’international avec l’ouverture d’une filiale en Côte d’Ivoire. Cette initiative, encore peu médiatisée localement, s’inscrit dans une stratégie globale visant à répondre aux besoins agricoles spécifiques des régions à fort potentiel, tout en renforçant la résilience des systèmes alimentaires. Pour la Côte d’Ivoire, ce mouvement intervient à un moment clé où la question de la souveraineté alimentaire devient un enjeu économique et politique central.

Une implantation guidée par des enjeux structurels

L’idée de souveraineté semencière ne relève plus du simple discours technique. En Afrique de l’Ouest, où plus de 80% des producteurs continuent d’utiliser des semences dites “de ferme” – souvent non certifiées et à faible rendement – la maîtrise locale de la production de semences est perçue comme un levier majeur de développement. En Côte d’Ivoire, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, le déficit de semences certifiées freine la performance des filières vivrières comme le maïs, le riz ou encore le manioc, alors même que la demande alimentaire continue de croître sous l’effet de la démographie et de l’urbanisation.

C’est dans ce contexte que Lidea, acteur majeur du secteur en Europe, a décidé de s’implanter durablement en Côte d’Ivoire. Une équipe locale est désormais opérationnelle, avec pour mission de structurer l’offre autour de semences adaptées aux conditions agroclimatiques de la région.

Lidea, un acteur structurant du secteur semencier mondial

Née de la fusion entre Euralis Semences et Caussade Semences Group en 2020, Lidea se classe aujourd’hui parmi les dix premiers semenciers mondiaux. L’entreprise est présente dans plus de 55 pays et réalise environ 350 millions d’euros de chiffre d’affaires. Son portefeuille comprend notamment des variétés de maïs, tournesol, sorgho, colza, fourragères et légumineuses. Cette diversité s’accompagne d’une stratégie fondée sur l’innovation variétale, la sélection génétique, la production locale et l’accompagnement technique des agriculteurs.

En Côte d’Ivoire, Lidea entend mettre à disposition des variétés déjà testées localement. Des essais ont permis de valider l’adaptation de plusieurs hybrides de maïs, de tournesol et de sorgho, considérés comme des cultures stratégiques pour les filières vivrières et animales.

Une réponse industrielle à un besoin régional

La filiale ivoirienne ne vise pas seulement le marché national. Elle ambitionne de devenir une plateforme régionale, en lien avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont le marché agricole représente plus de 400 millions de consommateurs. Dans cette logique, la Côte d’Ivoire, du fait de ses infrastructures, de sa position géographique et de son rôle moteur dans les projets agricoles régionaux, constitue un point d’ancrage naturel.

À travers cette implantation, Lidea rejoint d’autres entreprises internationales qui cherchent à sécuriser leur présence sur un continent dont la demande en intrants agricoles progresse rapidement. Mais là où certains se contentent de distribuer des semences importées, Lidea affirme vouloir s’inscrire dans une logique de co-développement, à travers des partenariats industriels locaux.

Renforcer l’offre locale, un défi technique et politique

Le développement d’une véritable industrie semencière en Côte d’Ivoire repose sur plusieurs conditions : la capacité à produire localement des semences certifiées à bas coût, l’organisation des filières de distribution, la formation technique des producteurs, et l’implication active des acteurs publics. À ce jour, le pays reste dépendant des importations pour certaines variétés hybrides, notamment en maïs et en soja. Selon les données de l’Office national de développement de la riziculture (ONDR), cette dépendance dépasse parfois 60% sur certaines campagnes.

Dans ce cadre, l’arrivée d’un opérateur doté de moyens de recherche et de production offre des perspectives nouvelles. Elle pourrait notamment contribuer à améliorer l’accès aux semences de qualité pour les petits exploitants, tout en renforçant les capacités techniques des acteurs locaux.

Une implantation cohérente avec les priorités agricoles ivoiriennes

La Côte d’Ivoire a engagé depuis plusieurs années une politique active de soutien à la production vivrière, parallèlement à ses filières d’exportation comme le cacao ou l’hévéa. Le Programme national d’investissement agricole (PNIA) de deuxième génération, lancé en 2018, insiste sur le rôle des intrants dans l’amélioration des rendements et la réduction de la pauvreté rurale. La collaboration avec des entreprises privées spécialisées dans les biotechnologies et les semences est explicitement encouragée.

Dans cette perspective, l’arrivée de Lidea peut s’inscrire comme un maillon stratégique. Encore faut-il que la démarche repose sur une logique inclusive, associant les structures paysannes, les centres de recherche nationaux, et les autorités publiques. L’accompagnement des producteurs et la transparence dans la sélection des variétés seront des éléments décisifs pour l’acceptation locale du projet.

Une dynamique continentale en construction

L’installation de Lidea en Côte d’Ivoire reflète une tendance plus large. De plus en plus d’acteurs internationaux du secteur agricole s’intéressent à l’Afrique, qui concentre aujourd’hui la majorité des terres arables non encore cultivées dans le monde. Toutefois, le développement d’une offre locale de semences de qualité reste inégal. Le secteur souffre souvent d’un manque de réglementation harmonisée, de faibles capacités industrielles et d’un déficit de coordination entre les États.

La CEDEAO a lancé, dès 2008, un plan d’action pour harmoniser les politiques semencières dans la région. Mais les avancées sont encore lentes. C’est dans cet écosystème partiellement structuré que Lidea entend jouer un rôle de catalyseur. Encore faudra-t-il que sa stratégie s’ancre durablement dans les réalités du terrain.

Une implantation à suivre

En misant sur la Côte d’Ivoire, Lidea ne fait pas que s’implanter dans un nouveau marché : l’entreprise prend position dans un débat plus vaste sur la capacité de l’Afrique à produire ses propres semences, à stabiliser ses rendements, et à construire une souveraineté alimentaire pérenne. Si elle parvient à nouer des partenariats locaux solides, cette présence pourrait devenir un facteur de transformation durable du paysage agricole ivoirien.

Mais à ce stade, il ne s’agit encore que d’une première pierre. L’ampleur des défis et la profondeur des besoins exigent plus qu’une implantation symbolique. C’est à l’usage, sur les parcelles, dans les coopératives et à travers la formation, que l’on mesurera l’impact réel de ce nouvel acteur dans l’écosystème agricole ivoirien.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici