Mali : Les autorités misent sur l’or pour sauver la mine de Loulo-Gounkoto

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Mali : Les autorités misent sur l’or pour sauver la mine de Loulo-Gounkoto
Mali : Les autorités misent sur l’or pour sauver la mine de Loulo-Gounkoto

Une mine silencieuse, 2 500 travailleurs dans l’incertitude, et des millions de dollars en jeu. La mine d’or de Loulo-Gounkoto, moteur économique du Mali, est à l’arrêt depuis janvier 2025. Pour la relancer, Bamako mise sur la vente d’une tonne d’or, estimée à 107 millions de dollars. Annoncée par l’administrateur judiciaire Soumana Makadji, cette décision audacieuse illustre les tensions entre le Mali et le géant minier Barrick Gold. Mais à quel prix ?

Une mine stratégique paralysée

Niché dans l’ouest du Mali, Loulo-Gounkoto est le fleuron de l’industrie aurifère du pays. Exploitée par Barrick Gold (80%) et l’État malien (20%), la mine produit 15% de l’or du groupe canadien. Pourtant, depuis janvier 2025, ses machines sont à l’arrêt. La cause ? Un conflit fiscal. Bamako réclame entre 300 et 600 milliards FCFA (450 à 900 millions de dollars) d’arriérés d’impôts à Barrick, s’appuyant sur le nouveau code minier de 2023. Ce texte, qui augmente les royalties et la participation étatique dans les projets miniers, reflète la volonté du Mali de capter une plus grande part de ses richesses.

Cette querelle a déjà eu des conséquences. En janvier, l’État a saisi trois tonnes d’or sur le site, une mesure punitive pour forcer Barrick à négocier. Ce bras de fer paralyse une mine cruciale, représentant 80% des exportations maliennes et 10% du PIB.

Un plan d’urgence : vendre l’or

Pour sortir de l’impasse, Bamako a pris les commandes. En juin 2025, Soumana Makadji, nommé administrateur judiciaire, a annoncé la vente d’une tonne d’or stockée à Loulo-Gounkoto. « Cette vente permettra de couvrir les salaires, le carburant et les dettes envers les sous-traitants », a-t-il déclaré, selon un communiqué officiel. Cette tonne, distincte des trois tonnes saisies plus tôt, devrait générer 107 millions de dollars. Un coup de pouce rendu possible par la flambée des cours de l’or, qui ont bondi de 25% depuis janvier 2025 pour atteindre 3 500 dollars l’once en avril.

Ce plan d’urgence vise à relancer l’usine, partiellement redémarrée début juillet. Mais la route est longue. « La production complète pourrait prendre au moins quatre mois », a précisé Makadji, épaulé par Samba Touré, un ancien cadre de Randgold, fusionné avec Barrick en 2018.

Barrick contre-attaque

Ce redémarrage sous contrôle étatique ne passe pas auprès de Barrick. Le géant minier juge l’intervention de Bamako « illégale » et a saisi le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), une institution de la Banque mondiale arbitrant les conflits entre États et investisseurs. « Cette administration risque de compromettre la viabilité à long terme de la mine », a averti un porte-parole de Barrick. Le CIRDI pourrait imposer une médiation contraignante, mais le processus prendra du temps.

Cette escalade juridique reflète des enjeux colossaux. Loulo-Gounkoto n’est pas seulement une mine : c’est un pilier économique employant 2 500 personnes directement et des milliers d’autres indirectement via les sous-traitants. Son arrêt a déjà coûté 550 millions de dollars à l’économie malienne en 2025, selon les estimations.

Un pari risqué pour Bamako

Sous la junte militaire au pouvoir depuis 2020, le Mali joue la carte de la souveraineté économique. Le code minier de 2023, qui exige jusqu’à 35% de participation étatique dans les mines, incarne cette ambition. Mais ce durcissement pourrait effrayer les investisseurs étrangers, qui financent 70% du secteur minier malien, selon les données du ministère des Mines. Une gestion maladroite de Loulo-Gounkoto risque de ternir l’attractivité du pays, déjà fragilisé par l’instabilité politique.

Les communautés locales, elles, paient le prix fort. « Sans la mine, des villages entiers perdent leurs moyens de subsistance », a déclaré un représentant syndical local à Reuters, soulignant l’impact sur les familles des travailleurs.

Un écho régional

Le Mali n’est pas seul dans cette bataille. En Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso et le Niger ont aussi durci leurs politiques minières, nationalisant des actifs ou renégociant des contrats. Ces tensions coïncident avec des cours de l’or records, rendant les mines africaines plus convoitées que jamais. « Les États veulent une part plus juste des richesses, mais ils risquent de déstabiliser des partenariats établis », a analysé un expert minier cité par Reuters.

Ce mouvement reflète une prise de conscience régionale : l’or, dont le Mali est le troisième producteur africain, est un levier de développement. Mais sans une gestion équilibrée, ces politiques pourraient freiner les investissements nécessaires à long terme.Vers un avenir incertain

L’avenir de Loulo-Gounkoto repose sur deux fronts : les négociations entre Bamako et Barrick, et l’arbitrage du CIRDI. La vente de la tonne d’or offre un répit, mais elle ne résout pas le différend de fond. Pour les 2 500 employés et les communautés dépendantes de la mine, chaque jour d’arrêt est une menace. Pour le Mali, c’est un test crucial : peut-il concilier sa quête de souveraineté économique avec la nécessité de partenariats internationaux ?

*Encadré : Les chiffres clés de Loulo-Gounkoto*

  • Production : 560 000 onces d’or par an (15% de la production de Barrick).
  • Emplois : 2 500 directs, des milliers indirects.
  • Pertes 2025 : 550 millions de dollars pour l’économie malienne.
  • Valeur de la tonne d’or : 107 millions de dollars (à 3 500 $/once).
  • Poids économique : 80% des exportations, 10% du PIB malien.

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