Le Mali renforce sa souveraineté économique par une réforme fiscale ambitieuse

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Le Premier ministre, le Général de Division Abdoulaye Maïga
Le Premier ministre, le Général de Division Abdoulaye Maïga

Le Mali, frappé de plein fouet par la suspension des aides internationales et un contexte économique mondial instable, a décidé de prendre en main son avenir économique. Le 10 février 2025, lors d’une conférence de presse tenue à la Primature, le Premier ministre, le Général de Division Abdoulaye Maïga, accompagné de ses ministres, a annoncé une réforme fiscale ambitieuse visant à renforcer l’autonomie financière du pays. Cette annonce intervient dans un contexte difficile pour le pays, marqué par une série de défis économiques et géopolitiques.

Un contexte économique complexe

Depuis plusieurs années, le Mali est confronté à des pressions économiques considérables. La fin des aides internationales, en particulier celles de l’USAID et d’autres bailleurs de fonds, a mis à mal ses finances publiques. En parallèle, les sanctions économiques imposées à la suite de la crise politique et sécuritaire ont exacerbé la situation. Ces sanctions ont entraîné une réduction drastique des financements externes, qui constituaient une part importante du budget national.

En 2023, le pays a enregistré une récession, avec une baisse de la production dans plusieurs secteurs stratégiques tels que l’agriculture et l’exploitation minière, essentiels à la croissance économique du pays. La crise sécuritaire, accentuée par la guerre au Sahel, a par ailleurs entravé les investissements étrangers et freiné le développement des infrastructures nécessaires à la diversification économique.

Face à cette situation complexe, le gouvernement malien a décidé de prendre des mesures radicales pour restaurer l’équilibre budgétaire et réduire la dépendance aux financements extérieurs. La réforme fiscale annoncée vise à renforcer l’autonomie financière du pays et à créer un modèle économique plus résilient.

Les nouvelles taxes : une réponse aux défis internes

Les mesures fiscales proposées par le gouvernement malien constituent une réponse directe à la crise budgétaire actuelle. Elles sont centrées sur trois axes principaux, qui visent à augmenter les recettes fiscales internes tout en favorisant une gestion plus efficace des ressources du pays.

  • – Taxe sur l’accès au réseau des télécommunications :
    Le secteur des télécommunications a connu une croissance rapide au Mali, notamment avec l’explosion du marché du mobile money en Afrique de l’Ouest. En 2022, les transactions numériques ont augmenté de 30 % par rapport à l’année précédente. Dans ce contexte, le gouvernement a décidé d’imposer une taxe sur l’accès des opérateurs aux infrastructures du réseau télécom. Cette mesure devrait non seulement générer des recettes fiscales substantielles mais également permettre de réguler un secteur en pleine expansion. Toutefois, cette taxe pourrait avoir un impact sur les prix des services pour les consommateurs, ce qui pourrait provoquer une réaction négative de certains segments de la population.
  • – Augmentation de la taxe sur les boissons alcoolisées :
    Dans un souci de santé publique et afin de réduire la consommation excessive d’alcool, le gouvernement a décidé d’augmenter la taxe sur les boissons alcoolisées. Cette mesure, bien que susceptible de déplaire à certains segments de la population, s’inscrit dans une logique préconisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui soutient des politiques similaires dans plusieurs pays africains. En plus de son objectif de santé publique, cette taxe devrait également permettre de générer des ressources fiscales importantes pour le pays.
  • – Contribution sur les transactions de mobile money :
    Le mobile money représente une part importante des échanges commerciaux au Mali, mais reste largement informel. Afin de mieux intégrer ce secteur à l’économie formelle et lutter contre l’évasion fiscale, le gouvernement a instauré une taxe sur les recharges et transactions de mobile money. Cette mesure vise à assurer une plus grande équité fiscale et à garantir que les acteurs du secteur numérique contribuent davantage à l’économie du pays.

Une nécessaire autonomie financière

Le ministre de l’Économie et des Finances, Alousseni Sanou, a souligné l’importance de ces réformes dans un contexte où les aides internationales, dont le Mali dépendait fortement, ont cessé. Le pays doit désormais financer ses politiques publiques sans compter sur des soutiens extérieurs. Dans ce cadre, le gouvernement a annoncé une augmentation salariale de 400 milliards FCFA, un effort significatif dans un environnement économique tendu, mais essentiel pour maintenir la cohésion sociale et la motivation des fonctionnaires.

Toutefois, ces réformes fiscales comportent des risques. L’introduction de nouvelles taxes pourrait mettre une pression supplémentaire sur les secteurs économiques déjà fragilisés, tels que les télécommunications et le mobile money. Bien que certaines entreprises puissent voir d’un bon œil cette diversification des ressources fiscales, d’autres, notamment celles des secteurs les plus touchés par la crise, pourraient redouter une augmentation des charges fiscales, ce qui pourrait freiner la croissance économique à court terme.

Révision des politiques minières : un levier pour la souveraineté économique

En parallèle des réformes fiscales, le gouvernement malien a également entrepris une révision de ses contrats miniers. Les nouvelles conditions imposées aux entreprises étrangères, notamment l’obligation de céder une part importante de leurs projets à des investisseurs locaux, visent à garantir que les ressources naturelles du pays profitent davantage à la population malienne. L’augmentation des taxes de redevance sur l’exploitation minière témoigne de la volonté du gouvernement de renforcer le contrôle national sur ses ressources.

Ces mesures ont toutefois provoqué des tensions avec les grandes entreprises minières opérant au Mali. Par exemple, Barrick Gold, l’un des plus grands producteurs d’or du pays, a suspendu ses opérations après la saisie de réserves d’or et l’arrestation de plusieurs de ses employés. L’entreprise a exprimé ses préoccupations quant à la stabilité juridique et à la sécurité de ses investissements, soulignant les risques que ces révisions contractuelles font peser sur l’attractivité du pays pour les investisseurs étrangers.

Le choix de l’autonomie : un pari risqué mais nécessaire

Dans un contexte d’instabilité économique et politique, le Premier ministre Abdoulaye Maïga a affirmé : « Pour être souverains, nous devons nous prendre en charge ». Cette déclaration reflète la volonté du gouvernement malien de réduire sa dépendance vis-à-vis des financements étrangers et de construire une économie plus autonome et résiliente. Toutefois, ce choix stratégique comporte des risques. Le Mali devra équilibrer la souveraineté économique avec la nécessité de maintenir un climat favorable aux investissements étrangers, essentiels pour la croissance de certains secteurs économiques clés, notamment l’exploitation minière.

À court terme, l’impact de ces réformes fiscales et minières sur les classes moyennes, les petites entreprises et les consommateurs sera déterminant pour évaluer la viabilité de cette stratégie. Le pays devra également surveiller attentivement les répercussions sociales de ces mesures, notamment en ce qui concerne le pouvoir d’achat et l’emploi, afin d’éviter des conséquences négatives sur la stabilité sociale.

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