Ghana : l’illusion de la croissance, un pays au bord du précipice

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Ghana : l’illusion de la croissance, un pays au bord du précipice
Ghana : l’illusion de la croissance, un pays au bord du précipice

Derrière les chiffres flatteurs, la réalité est brutale. Le Ghana, longtemps présenté comme un modèle de croissance en Afrique de l’Ouest, est aujourd’hui confronté à une crise économique profonde. La dette explose, les finances publiques sont exsangues et la pauvreté progresse. Lors du National Economic Dialogue, le ministre des Finances, Dr. Cassiel Ato Forson, a dressé un état des lieux sans appel et plaidé pour une transformation radicale du modèle économique.

Une croissance bâtie sur du sable

Depuis le début des années 2000, le Ghana affichait des performances économiques impressionnantes, avec un PIB en hausse de 6,8% en moyenne par an entre 2008 et 2019. Ce dynamisme l’a hissé parmi les pays les plus performants d’Afrique subsaharienne.

Mais cette croissance s’est appuyée sur des bases fragiles. L’or, le pétrole et le cacao représentent 85% des exportations, laissant peu de place à une véritable diversification industrielle. Résultat : une dépendance extrême aux cours mondiaux et une vulnérabilité accrue aux crises externes.

« La croissance n’a pas soutenu une transformation structurelle« , reconnaît le ministre des Finances. Le secteur manufacturier peine à émerger et les emplois de qualité se font rares. Loin de réduire les inégalités, cette expansion économique a creusé les écarts : le revenu par habitant plafonne à 2 200 dollars, et près d’un tiers des Ghanéens vivent toujours sous le seuil de pauvreté.

Une dette hors de contrôle

Si la croissance masquait ces déséquilibres, l’endettement, lui, les révèle au grand jour. En 2022, la dette publique atteignait 93% du PIB, contre seulement 20% en 2006. Cette dérive trouve son origine dans une gestion budgétaire laxiste, où les dépenses courantes ont largement dépassé les recettes.

Trois postes accaparent 70% du budget : les salaires des fonctionnaires, le paiement des intérêts de la dette et les dépenses préaffectées. Ces rigidités budgétaires laissent peu de marges pour financer les infrastructures et les services publics.

Le programme Agenda 111, censé construire 111 hôpitaux, illustre cet échec. Après 400 millions de dollars investis en quatre ans, pas un seul hôpital n’est encore opérationnel.

L’énergie, une bombe à retardement

Autre secteur sous tension : l’électricité. Le déficit du secteur énergétique atteint 2,2 milliards de dollars en 2024. Ce gouffre financier est alimenté par une gestion inefficace et des tarifs non adaptés.

La compagnie nationale ECG ne collecte que 62% des factures qu’elle émet, aggravant un modèle déjà déficitaire. Plutôt que d’engager des réformes structurelles, l’État compense ces pertes par des subventions massives, creusant encore son propre déficit.

Le cacao, un pilier en péril

Deuxième producteur mondial de cacao, le Ghana subit une crise sans précédent. La production a chuté de 50% en trois ans, menaçant directement les revenus des agriculteurs et les réserves en devises du pays.

Pire, COCOBOD, l’organisme public en charge du secteur, a contracté des ventes à terme à des prix inférieurs aux niveaux actuels du marché. Résultat : 840 millions de dollars de pertes pour l’État et les producteurs.

Ce marasme est aggravé par la contrebande. Les écarts entre les prix payés aux producteurs ghanéens et ceux du marché mondial incitent de plus en plus d’agriculteurs à vendre leur récolte aux pays voisins.

Un plan de sauvetage sous haute pression

Face à ces défis, le gouvernement tente de redresser la barre. Parmi les mesures annoncées :
✅ Réforme fiscale : suppression des exonérations fiscales coûteuses et renforcement du recouvrement des impôts.
✅ Rationalisation des dépenses publiques : réduction des subventions énergétiques et meilleure allocation budgétaire.
✅ Diversification économique : développement du secteur manufacturier et transformation locale des matières premières.
✅ Réforme des entreprises publiques déficitaires, notamment COCOBOD et ECG.

Ces mesures sont nécessaires mais leur mise en œuvre reste incertaine. Le Ghana a-t-il la volonté politique d’engager des réformes aussi impopulaires que cruciales ? Sans action rapide, le pays risque une récession prolongée, une montée du chômage et une explosion des tensions sociales.

Les prochains mois seront décisifs. Le Ghana joue son avenir économique.

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