Rwanda-Royaume-Uni : 50 millions de livres réclamés sur les décombres d’un fiasco migratoire

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Rwanda-Royaume-Uni : 50 millions de livres réclamés sur les décombres d’un fiasco migratoire
Rwanda-Royaume-Uni : 50 millions de livres réclamés sur les décombres d’un fiasco migratoire

En mars 2025, le Rwanda remet une vieille affaire sur la table. Trois ans après un accord migratoire avorté avec le Royaume-Uni, Kigali réclame 50 millions de livres sterling (58 millions d’euros ou 38 milliards FCFA) supplémentaires. Ce n’est pas une simple querelle : c’est le dernier chapitre d’un projet qui a vu Londres engloutir 290 millions de livres (340 millions d’euros ou 223 milliards FCFA) sans expulser un seul migrant. Pour comprendre cette saga, il faut remonter à 2022, dans un monde où les pays riches cherchent désespérément à externaliser leurs défis migratoires. Le Rwanda, lui, compte bien tirer profit de cet échec retentissant.

Tout commence en avril 2022, sous le gouvernement de Boris Johnson. À l’époque, le Royaume-Uni fait face à une crise : des milliers de migrants traversent la Manche sur de frêles embarcations, défiant les contrôles frontaliers. La réponse ? Un pacte inédit avec le Rwanda. L’idée est simple : envoyer les demandeurs d’asile illégaux à Kigali pour y traiter leurs dossiers. Objectif officiel : casser les réseaux de passeurs et décourager les traversées. En échange, Londres promet des fonds massifs au Rwanda, un pays en quête d’investissements et d’influence. Dès le départ, pourtant, le projet sent la poudre. Les critiques fusent : le Rwanda, dirigé d’une main de fer par Paul Kagame, est accusé de bafouer les droits humains. Peut-il vraiment être un refuge sûr ?

L’argent coule à flots, mais pas les expulsions. En 2022, une première tranche de 120 millions de livres sterling part vers Kigali. Au total, entre 2022 et 2024, 290 millions traversent la Manche dans l’autre sens – sous forme de chèques. Combien de migrants accueillis ? Aucun. Les obstacles juridiques s’accumulent. En 2023, la Cour suprême britannique juge le Rwanda « non sûr » pour les demandeurs d’asile. La Cour européenne des droits de l’homme bloque les premiers vols. Londres tente de sauver la face avec une nouvelle loi en 2024, mais rien n’y fait. En juillet, Keir Starmer, fraîchement élu Premier ministre, jette l’éponge. « Inefficace », tranche-t-il. Trois ans de promesses s’effondrent, laissant un trou béant dans les finances britanniques.

Le Rwanda passe à l’offensive

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le 3 mars 2025, Kigali sort du silence. Un porte-parole officiel déclare : « Le Royaume-Uni doit respecter ses engagements financiers initiaux. » En clair, le Rwanda veut 50 millions de livres de plus. Pourquoi ? L’accord de 2022 ne prévoyait aucun remboursement en cas d’échec – un oubli qui devient un piège pour Londres. Les 290 millions déjà perçus ont été investis, notamment dans 300 logements à Kigali, aujourd’hui revendus ou réaffectés aux Rwandais. Pour Kagame, c’est une aubaine économique : ces fonds pèsent 2% du PIB national (13 milliards de dollars en 2024). Réclamer davantage, c’est aussi un coup diplomatique, un test de la crédibilité britannique.

À Londres, ça coince. Starmer avait promis, en juillet 2024, de récupérer 240 des 290 millions versés. Objectif raté. La demande rwandaise ravive la colère des contribuables : 340 millions d’euros partis en fumée, soit 0,01 % de la dette publique britannique – une paille comptable, mais un scandale politique. Les experts y voient un fiasco d’externalisation, comparable à celui de l’Australie, qui a dépensé 8 milliards de dollars en dix ans pour confiner 3 000 migrants à Nauru. Le Rwanda, lui, gagne gros sans ouvrir ses portes. Qui paie l’addition ? Pour l’instant, les Britanniques, tandis que Kigali savoure son audace.

Ce bras de fer dépasse les deux pays. Il reflète une tendance globale : des nations riches, débordées par les flux migratoires, misent sur des partenariats coûteux avec des États tiers. Mais quand les plans capotent, les factures restent. En exigeant ces 50 millions, le Rwanda joue son va-tout, au risque de tendre les relations avec Londres. Pour le Royaume-Uni, céder serait admettre une défaite ; résister pourrait déclencher une crise diplomatique. Une certitude demeure : externaliser les migrants a un prix, mais externaliser les pertes en a un encore plus élevé.

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