Économie / Réformes sans effets visibles : le FMI presse le Nigéria d’agir face aux incertitudes mondiales

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Alors que le Nigéria poursuit ses efforts pour redresser son économie, le Fonds monétaire international (FMI) salue les réformes engagées mais appelle à intensifier les mesures pour répondre aux défis persistants que sont la pauvreté, l’inflation et les pressions externes.

Le FMI a récemment conclu sa mission annuelle de consultation au titre de l’article IV avec le Nigéria, menée du 2 au 15 avril 2025. Cette mission, conduite par Axel Schimmelpfennig, visait à évaluer la trajectoire économique du pays et à formuler des recommandations face à un contexte mondial de plus en plus incertain. À cette occasion, les experts du Fonds ont rencontré les principales autorités économiques nigérianes, des acteurs du secteur privé et des représentants de la société civile.

Des réformes ambitieuses mais à l’impact limité

Depuis 2023, le Nigéria a entrepris une série de réformes structurelles : fin du financement du déficit par la Banque centrale, suppression controversée des subventions sur les carburants, et assouplissement du régime de change. Ces décisions, jugées courageuses par le FMI, visaient à restaurer la confiance dans l’économie et à stabiliser les finances publiques.

Mais malgré ces avancées, les retombées concrètes tardent à se faire sentir. La pauvreté touche encore plus de 40% de la population, tandis que l’insécurité alimentaire s’aggrave dans plusieurs régions. L’amélioration attendue du climat des affaires peine également à se matérialiser. Pour le FMI, il est donc urgent que ces réformes bénéficient davantage aux Nigérians ordinaires.

Une conjoncture internationale peu favorable

Cette fragilité interne est aggravée par un environnement mondial peu porteur. L’institution de Bretton Woods souligne que la chute des prix du pétrole — qui représente encore plus de 80% des exportations du Nigéria — combinée à la montée des tensions géopolitiques, complique sérieusement les perspectives pour 2025. Les réserves de change restent sous pression, et la croissance projetée, autour de 3,1%, ne suffira pas à absorber l’augmentation de la population.

Malgré tout, le FMI estime que les bases d’une reprise sont là, à condition d’amplifier les efforts et de garantir une meilleure coordination entre politiques budgétaire et monétaire.

Redéployer les marges budgétaires avec plus d’ambition

Dans ses recommandations, le FMI insiste sur la nécessité de réorienter les marges budgétaires dégagées par la suppression des subventions vers des investissements à fort impact : infrastructures, santé, éducation, protection sociale. En clair, il ne s’agit pas seulement de couper dans les dépenses, mais de reconstruire un contrat social plus équitable.

La politique budgétaire devrait également rester prudente, surtout dans un contexte de baisse des revenus pétroliers. Le FMI appelle à élargir l’assiette fiscale, améliorer la gestion des recettes non pétrolières et accroître la transparence dans les finances publiques.

Une politique monétaire qui gagne en crédibilité

Côté inflation, les résultats sont mitigés. Après avoir atteint un pic de 29% en 2024, l’indice des prix à la consommation commence à ralentir, grâce au resserrement monétaire opéré par la Banque centrale du Nigéria. Le FMI salue cette inflexion et recommande d’aller plus loin en annonçant clairement des cibles de désinflation à moyen terme, afin de stabiliser les anticipations et renforcer la crédibilité de la politique monétaire.

La maîtrise du taux de change, la lutte contre la dollarisation de l’économie et la restauration de la confiance dans la monnaie locale sont aussi identifiées comme des priorités urgentes.

L’enjeu de l’inclusion sociale et de la confiance

En toile de fond, un défi majeur subsiste : redonner confiance à une population éprouvée par des années d’instabilité économique et de réformes peu ressenties. Pour les experts du FMI, la réussite des politiques actuelles dépendra largement de leur acceptabilité sociale. Autrement dit, sans effets visibles sur la vie quotidienne — emploi, pouvoir d’achat, services publics — le consensus autour des réformes pourrait s’effriter.

Stabiliser aujourd’hui, bâtir demain

Le message du Fonds est clair : les fondations d’une relance existent, mais elles demeurent fragiles. Le Nigéria n’a pas d’autre choix que de poursuivre et intensifier ses efforts pour construire une économie plus inclusive, résiliente et souveraine. Car sans une redistribution plus équitable des fruits de la croissance, les réformes risquent de rester perçues comme de simples ajustements techniques au bénéfice d’une minorité.

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