RDC : Le gouvernement va lancer une bourse pour transformer l’économie

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Dans un pays où le cobalt et le cuivre alimentent l’économie mondiale, la République Démocratique du Congo (RDC) pose les bases d’un avenir financier ambitieux. Le 18 avril 2025, le Conseil des Ministres a adopté un projet de loi historique pour créer des marchés boursiers, une première pour la RDC. Portée par le ministre des Finances Doudou Fwamba Likunde, cette réforme vise à mobiliser des capitaux, dynamiser le secteur privé et diversifier une économie trop dépendante des mines. Mais que peut apporter une bourse à un pays confronté à l’inflation, à la dollarisation et à l’insécurité ? Voici ce qu’il faut savoir.

Une bourse, comment ça marche ?

Un marché boursier permet aux entreprises de lever des fonds en émettant des actions (parts de propriété) ou des obligations (dettes). En RDC, où l’économie repose à 70% sur les minerais, les secteurs comme l’agriculture ou les infrastructures manquent cruellement de financements à long terme. La nouvelle loi prévoit deux piliers : une bourse des valeurs mobilières, pour les actions et obligations, et une bourse des marchandises, pour négocier des produits comme le café ou le cobalt. Une Autorité de Régulation des Marchés Financiers veillera à la transparence, tandis qu’un dépositaire central sécurisera les titres numériques, réduisant les risques de fraude.

Cette initiative s’inspire de succès africains. La Bourse de Lagos, au Nigeria, a généré 15 milliards de dollars de transactions en 2024, selon Bloomberg. À Nairobi, la bourse kenyane a financé plus de 200 PME depuis 2020. En RDC, où seuls 26% des adultes accèdent à des services financiers formels (Banque mondiale, 2023), une bourse pourrait ouvrir de nouvelles opportunités.

Pourquoi cette réforme aujourd’hui ?

La RDC traverse une période charnière. L’inflation, bien qu’en baisse à 11,3% fin 2024 contre 13% en 2022 (FMI, octobre 2024), pèse sur le pouvoir d’achat. La dollarisation, avec 80% des transactions en dollars, limite l’efficacité de la Banque Centrale du Congo (BCC). Les conflits dans l’Est, où le M23 perturbe les infrastructures, découragent les investisseurs. Pourtant, les richesses minières et une population de 100 millions d’habitants, majoritairement jeune, attirent l’attention mondiale.

Depuis 2021, le gouvernement multiplie les réformes avec le soutien du FMI. Le Compte Unique du Trésor, adopté en 2024, centralise les fonds publics, réduisant les détournements et libérant des ressources pour des projets comme la bourse. La BCC, elle, adopte les normes comptables IFRS pour plus de transparence. En s’inscrivant dans cette dynamique, la réforme boursière vise à briser la dépendance aux minerais.

Qui en profitera ?

Pour les entreprises, la bourse offrira une alternative aux prêts bancaires, dont les taux dépassent souvent 15% en RDC. Une PME agricole, par exemple, pourrait émettre des actions pour acheter des tracteurs, créant des emplois locaux. Les investisseurs, locaux et étrangers, bénéficieront d’un cadre régulé pour placer leur argent. À terme, la croissance, prévue à 5,8% en 2025 (FMI, octobre 2024), pourrait s’accélérer.

Pour les citoyens, les bénéfices seront indirects. Une économie plus robuste pourrait financer des écoles ou des hôpitaux, à condition que les fonds soient bien gérés. Le gouvernement mise aussi sur l’inclusion financière, un défi majeur dans un pays où les banques sont quasi absentes en zone rurale. Des campagnes d’éducation financière, déjà lancées avec la Banque africaine de développement, encourageront les Congolais à investir.

Des défis de taille

Mais le chemin est semé d’obstacles. La corruption, classée parmi les plus élevées d’Afrique par Transparency International (2024), risque de compromettre la régulation. Des licences boursières attribuées de manière opaque pourraient effrayer les investisseurs. L’insécurité dans l’Est entrave le déploiement des réseaux numériques, indispensables pour une bourse moderne. Enfin, la faible culture financière des Congolais – seulement 15% épargnent formellement – nécessitera des années d’éducation.

Ces défis ne sont pas nouveaux. En 2010, une tentative de modernisation financière avait échoué faute de gouvernance. Aujourd’hui, le succès dépendra de la coordination avec d’autres réformes. Par exemple, le projet de système de paiement électronique, financé à hauteur de 12 millions de dollars par la Banque africaine de développement, facilitera les transactions boursières en temps réel. Sans une gouvernance rigoureuse, cependant, la bourse risque de rester un projet sur papier.

Un pari sur l’avenir

En lançant cette réforme, le président Félix Tshisekedi rêve de faire de la RDC un hub économique régional. Mais la bourse n’est qu’un premier pas. Pour réussir, le gouvernement devra renforcer la lutte contre la corruption, investir dans les infrastructures et gagner la confiance des marchés. Si elle surmonte ces défis, la RDC pourrait suivre l’exemple du Nigeria ou du Kenya, où les bourses ont transformé l’économie.

Pour l’heure, les Congolais observent avec un mélange d’espoir et de prudence. La bourse pourrait redonner au pays une place centrale en Afrique. Mais dans un contexte d’instabilité, elle reste un pari audacieux. Une chose est certaine : la RDC entre dans une nouvelle ère financière, et le monde regarde.

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