
Face à la volatilité des devises, une nouvelle stratégie prend forme pour soutenir les marchés émergents
L’IFC, bras armé du secteur privé du Groupe de la Banque mondiale, et Standard Chartered, une banque internationale présente dans les marchés émergents, spécialisée dans le financement du commerce et du développement économique, unissent leurs forces pour répondre à un défi devenu crucial dans les économies émergentes : le manque de financement stable en monnaie locale. Cette alliance vise à proposer aux entreprises des prêts dans la devise dans laquelle elles génèrent leurs revenus, un mécanisme essentiel pour réduire les risques liés aux fluctuations monétaires.
Un premier test grandeur nature au Kenya
La première opération issue de cette collaboration porte sur un prêt de 9 milliards de shillings kenyans (environ 70 millions de dollars). L’objectif : soutenir le développement des infrastructures numériques au Kenya, secteur porteur pour l’économie du pays.
« Avec la volatilité des taux de change et la pression croissante sur l’endettement, le besoin de financement en monnaie locale sur les marchés émergents est devenu de plus en plus évident », justifie John Gandolfo, vice-président de l’IFC en charge de la Trésorerie et de la Mobilisation. Pour lui, prêter dans la même devise que celle des revenus d’une entreprise permet à cette dernière de se concentrer sur sa croissance plutôt que de subir les aléas du marché des changes.
Une réponse structurelle à un vieux problème
Dans de nombreux pays africains et asiatiques, les entreprises empruntent en dollars ou en euros, alors même que leurs recettes sont libellées en monnaie locale. Résultat : une simple dépréciation du franc CFA ou du shilling face au dollar peut transformer une dette maîtrisée en gouffre financier.
Ce partenariat ambitionne de changer cette dynamique. « Cette transaction historique au Kenya reflète notre engagement à soutenir la résilience financière des marchés locaux », affirme Sunil Kaushal, haut responsable chez Standard Chartered. Il voit dans ce type de prêt un moyen pour les entreprises d’accéder à un financement à long terme plus sûr, mieux adapté à leurs besoins.
L’Afrique au cœur de la stratégie
Pour Kariuki Ngari, directeur général de Standard Chartered au Kenya, cette initiative pourrait même devenir un catalyseur de croissance continentale : « En facilitant le financement en monnaie locale, nous relevons non seulement l’un des défis les plus importants auxquels sont confrontées les entreprises du continent – la volatilité des taux de change – mais nous ouvrons également de nouvelles perspectives de croissance économique à long terme. »
Le secteur du numérique au Kenya, en pleine expansion, semble en effet particulièrement bien placé pour bénéficier de financements innovants. Et ce modèle pourrait être répliqué dans d’autres secteurs et d’autres pays africains.
Une stratégie de long terme pour l’IFC
L’institution n’en est pas à son coup d’essai. Depuis les années 1990, l’IFC développe des produits financiers en monnaie locale, qu’il s’agisse de prêts, d’obligations ou de mécanismes de gestion des risques. Rien que sur la période 2015-2024, elle a engagé plus de 30 milliards de dollars en monnaie locale, couvrant 67 devises à travers le monde.
Cette approche permet aux économies locales de gagner en autonomie financière, tout en réduisant leur exposition aux chocs extérieurs. Et dans un contexte où les marchés émergents doivent concilier besoin d’investissement et stabilité macroéconomique, ce type d’initiative prend tout son sens.
Vers une finance plus inclusive et durable
À l’heure où la dette extérieure pèse lourdement sur les économies en développement, le financement en monnaie locale s’impose comme une solution crédible et durable. Ce partenariat entre une institution de développement et une banque commerciale pourrait bien marquer une nouvelle ère pour la finance africaine : celle où stabilité, accessibilité et résilience deviennent enfin compatibles.