Banque : Sidi Ould Tah, nouveau visage de la BAD pour un continent en quête de résilience

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La Banque africaine de développement (BAD) a un nouveau président. Sidi Ould Tah, originaire de la Mauritanie, a été élu ce jeudi 29 mai 2025, neuvième président de l’institution, à l’issue des Assemblées annuelles tenues à Abidjan. Cette élection intervient dans un contexte particulièrement sensible, alors que le continent africain fait face à des défis économiques et climatiques de plus en plus pressants.

Le scrutin, organisé à huis clos, a été supervisé par le Conseil des gouverneurs de la BAD, composé des ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales des 81 pays membres. C’est Nialé Kaba, ministre du Plan et du Développement de la Côte d’Ivoire et présidente du Conseil, qui a officiellement annoncé les résultats. Pour être élu, Sidi Ould Tah devait obtenir une double majorité, à la fois chez les pays membres régionaux (africains) et non régionaux — une règle visant à garantir un consensus large et équilibré.

Cinq personnalités étaient en lice pour succéder à Akinwumi Adesina, dont le mandat s’achève le 31 août 2025 : Amadou Hott (Sénégal), Samuel Maimbo (Zambie), Mahamat Abbas Tolli (Tchad), Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud) et Sidi Ould Tah. Le processus avait débuté en juillet 2024, avec une validation officielle des candidatures intervenue le 21 février 2025. Porté par son expérience et sa réputation, Tah a su s’imposer comme le choix d’une Afrique en quête de continuité et de renouveau.

Âgé de 63 ans, Sidi Ould Tah n’est pas un novice dans les cercles financiers du continent. Il cumule plus de 35 ans d’expérience dans la finance africaine et internationale. Ancien ministre de l’Économie et des Finances en Mauritanie, il a dirigé de 2015 à 2025 la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA). Sous sa direction, la BADEA a quadruplé son bilan et obtenu une notation AAA, signe de solidité financière. Cette performance, saluée dans le communiqué officiel, s’explique notamment par une transformation complète de l’institution, qui s’est hissée parmi les banques de développement les mieux notées du continent.

Parmi les initiatives qui ont marqué son mandat à la BADEA, figure la mise en place d’un programme de capital appelable d’un milliard de dollars à destination des institutions financières africaines. Ces réalisations ont fini de convaincre les gouverneurs de la BAD de lui confier la responsabilité d’une institution dont le capital est aujourd’hui estimé à 318 milliards de dollars.

Cette élection s’inscrit dans un moment décisif pour l’Afrique. Malgré les perturbations économiques, les chocs climatiques et les tensions géopolitiques, le continent a fait preuve de résilience, comme le souligne le communiqué. Mais les menaces restent bien réelles. La dette publique africaine culmine à 640 milliards de dollars, selon la Banque mondiale. Les crises climatiques mettent en péril les récoltes et les infrastructures, tandis que des décisions politiques extérieures — comme l’annonce récente de Donald Trump de supprimer l’aide américaine au Fonds africain de développement — compliquent l’accès à des financements essentiels.

La BAD, créée en 1964 à Khartoum, a toujours joué un rôle moteur dans le développement du continent. Elle regroupe trois entités principales : la Banque, le Fonds africain de développement et le Fonds spécial du Nigéria. Ensemble, elles financent des projets majeurs dans les domaines des infrastructures, de l’énergie et de l’agriculture. Mais pour rester au cœur des transformations à venir, la BAD doit désormais accélérer la mise en œuvre de ses “High 5” — Nourrir l’Afrique, Éclairer l’Afrique, Industrialiser l’Afrique, Intégrer l’Afrique, Améliorer la qualité de vie — tout en s’alignant sur les ambitions de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

L’histoire de la BAD est jalonnée de figures emblématiques. Mamoun Beheiry, premier président (Soudan, 1964-1970), a posé les bases de l’institution. Babacar N’diaye (Sénégal, 1985-1995) a triplé son capital. Donald Kaberuka (Rwanda, 2005-2015) a modernisé ses opérations. Quant à Akinwumi Adesina (Nigeria, 2015-2025), il a obtenu en 2019 une augmentation de capital historique de 115 milliards de dollars, malgré des controverses qui ont marqué son second mandat en 2020.

L’élection de Sidi Ould Tah illustre aussi une alternance linguistique et régionale : francophone, il succède à un anglophone et permet un retour de l’Afrique du Nord à la présidence de la BAD, vingt ans après Omar Kabbaj (Maroc, 1995-2005).

À partir du 1er septembre 2025, le nouveau président aura la lourde tâche de répondre à des attentes multiples. Il devra notamment intensifier le financement de projets liés à la transition climatique, comme les barrages hydroélectriques ou les énergies renouvelables. Parallèlement, il devra continuer à soutenir les pays les plus fragiles via le Fonds africain de développement, dont les ressources pourraient être impactées par le retrait annoncé des États-Unis.

Un autre défi de taille l’attend : composer avec un capital dominé à 40% par des pays non africains — au nombre de 27, dont les États-Unis, le Japon ou l’Allemagne — tout en affirmant une gouvernance plus souveraine. Sa capacité à mobiliser des financements innovants, comme il l’a fait avec succès à la BADEA, pourrait s’avérer déterminante.

Les Assemblées annuelles de 2025, organisées à Abidjan du 26 au 30 mai sur le thème “Tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique”, ont permis de dégager un souffle d’optimisme. L’arrivée de Sidi Ould Tah à la tête de la BAD symbolise un espoir : celui d’une nouvelle ère marquée par plus de souveraineté financière, d’audace stratégique et d’innovation. Le communiqué de la Banque rappelle qu’il a su diriger des réponses efficaces à des crises, mener des réformes financières profondes et mobiliser des ressources inédites pour l’Afrique. Il reste maintenant à voir si cette expérience se traduira par des solutions concrètes pour les 1,4 milliard d’Africains en quête de transformation durable.

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