Dans un contexte économique mondial incertain et face à une pauvreté persistante, le dernier rapport de la Banque mondiale tire la sonnette d’alarme sur la situation des pays membres de la CEMAC. Publié le 19 juin 2025, le 8ᵉ Baromètre économique de la région dresse un constat préoccupant : malgré une croissance en légère hausse, les bénéfices économiques peinent à se traduire par une amélioration des conditions de vie.
En 2024, la région a enregistré une croissance de 3%, contre 2% l’année précédente. Cette progression, bien que positive, reste insuffisante pour inverser la tendance du chômage et de la pauvreté. Le rapport souligne une dépendance persistante à l’égard des hydrocarbures et autres matières premières, qui représentent plus des deux tiers des exportations de la région. Or, ces secteurs créent peu d’emplois, ce qui limite l’impact de la croissance sur la population.
Cette fragilité structurelle s’est traduite, en 2024, par une détérioration des équilibres macroéconomiques. La baisse des prix du pétrole a affecté les recettes d’exportation, entraînant une baisse des réserves de change, un affaiblissement de la balance commerciale et une pression accrue sur les finances publiques. Si les tensions inflationnistes se sont atténuées, cela n’a pas suffi à freiner la progression de la pauvreté.
La Banque mondiale estime qu’environ 22 millions de personnes, soit un tiers de la population de la CEMAC, vivront dans l’extrême pauvreté d’ici la fin de 2024. Ces populations subsisteront avec moins de 2,15 dollars par jour, selon la parité de pouvoir d’achat de 2017.
Face à ce constat, l’institution de Bretton Woods appelle à un changement de cap. Selon ses prévisions, la croissance devrait plafonner à 2,9% en moyenne entre 2025 et 2027, à moins que des réformes structurelles ne soient engagées rapidement. Les pays de la région disposent pourtant de nombreux atouts : une jeunesse dynamique, des ressources naturelles abondantes et une urbanisation croissante. Ces éléments pourraient constituer les fondements d’un développement plus inclusif, à condition de renforcer les infrastructures et de créer un environnement propice à l’investissement privé.
« Pour favoriser une croissance plus robuste, créer davantage d’emplois, développer le commerce intra-régional et mondial et sortir davantage de personnes de la pauvreté, les pays de la CEMAC doivent créer de meilleures conditions pour que les entreprises locales puissent croître, investir et embaucher davantage de personnes », souligne Robert Utz, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région.
Dans cette dynamique, la Banque mondiale insiste sur l’importance de mettre en œuvre les réformes déjà prévues dans les cadres régionaux existants. « Il serait essentiel pour les pays de la CEMAC d’accélérer les réformes prévues dans les plans économiques régionaux, notamment le Programme de réformes économiques et financières de la CEMAC (PREF-CEMAC II) et le prochain Programme économique régional », déclare Cheick Fantamady Kanté, directeur de division pour plusieurs pays de la zone.
Alors que la région évolue dans un environnement financier mondial marqué par des taux d’intérêt élevés, des aides extérieures en baisse et une demande incertaine pour les matières premières, les marges de manœuvre budgétaires s’amenuisent. Le rapport recommande donc de recentrer les efforts sur une meilleure gestion des finances publiques, la diversification économique et une protection renforcée des couches sociales les plus vulnérables.
Ce diagnostic de la Banque mondiale sonne comme un avertissement : si des réformes ambitieuses ne sont pas mises en œuvre rapidement, la croissance restera hors de portée pour une majorité de citoyens. L’enjeu est désormais de transformer un potentiel latent en opportunités réelles pour le plus grand nombre.