Il y a vingt ans, les Seychelles faisaient face à une crise économique majeure. Aujourd’hui, cet archipel de l’océan Indien est devenu une référence de stabilité macroéconomique en Afrique subsaharienne, une réussite reconnue par le Fonds monétaire international (FMI). Maîtrise de l’inflation, relance économique post-Covid rapide, dette publique en forte baisse… Derrière ces succès se trouve un long chemin de réformes courageuses et d’ajustements rigoureux.
Une crise profonde à la fin des années 2000
Au milieu des années 2000, les Seychelles souffraient d’un déséquilibre économique sévère. En 2008, la dette publique brute dépassait 190% du PIB, tandis que les réserves de change ne couvraient que deux semaines d’importations. Cette situation critique résultait notamment de dépenses publiques excessives, de subventions étendues et d’importantes exonérations fiscales accordées au secteur touristique. Parallèlement, une politique monétaire laxiste et un taux de change fixe rigidifiaient l’économie. Ces facteurs ont provoqué des déséquilibres chroniques, une fuite des capitaux et un isolement sur les marchés financiers.
Dans ce contexte de crise aggravée par la crise financière mondiale, le gouvernement seychellois a dû faire face à un défaut de paiement partiel sur sa dette extérieure privée. Ce défaut a conduit les agences de notation à dégrader la note souveraine, isolant davantage le pays. Le défi était alors immense : redresser une économie exsangue sans compromettre les besoins fondamentaux de la population.
Un tournant décisif grâce à un programme de réformes
Face à cette urgence, les Seychelles ont lancé un vaste plan de réformes appuyé par le FMI et les créanciers internationaux, notamment le Club de Paris, un groupe informel de créanciers publics important pour la restructuration de la dette. Parmi les mesures clés, la libéralisation du taux de change a permis à la roupie de fluctuer librement, mettant fin aux contrôles de change stricts. Parallèlement, le gouvernement a assaini ses finances publiques en réduisant les subventions générales et en remplaçant celles-ci par un filet social ciblé.
La réforme des entreprises publiques a également été une étape majeure, visant à améliorer leur efficacité et à limiter leur poids sur le budget national. Ces décisions, bien que difficiles et impopulaires, ont porté leurs fruits rapidement. En l’espace de cinq ans, la dette publique est descendue sous la barre des 70% du PIB, et les réserves de change ont été reconstituées à un niveau couvrant plus de trois mois d’importations.
De la stabilité retrouvée à la gestion des nouveaux chocs
Ce redressement a ouvert la voie à une période de stabilité économique durable. L’inflation a été maîtrisée, tombant sous les 2%, et les Seychelles affichent désormais le revenu par habitant le plus élevé d’Afrique subsaharienne. Le FMI souligne que cette stabilité a permis au pays de passer d’une gestion de crise à des réformes plus structurelles, favorisant une croissance économique soutenue.
Mais la pandémie de COVID-19 a constitué une nouvelle épreuve. Le choc a frappé brutalement, provoquant une contraction de l’économie seychelloise de près de 12% en 2020, principalement en raison de l’effondrement du tourisme, secteur clé. Néanmoins, les années de discipline macroéconomique et de constitution de réserves budgétaires et de change ont permis au pays d’absorber ce choc. Les autorités ont rapidement mis en place des mesures d’urgence, bénéficié d’un soutien financier du FMI, et lancé une relance rapide du tourisme.
Cette stratégie a porté ses fruits : la croissance a bondi à près de 13% en 2022, les réserves de change sont restées au-dessus de trois mois de couverture des importations, et le taux de change flexible a contribué à stabiliser l’économie face aux fluctuations externes.
Les défis à venir pour consolider les acquis
Malgré ces succès, la vigilance reste de mise. La dépendance aux chocs externes, qu’ils soient sanitaires, géopolitiques ou liés au changement climatique, impose de poursuivre les efforts de réforme. Le FMI insiste sur la nécessité de maintenir une discipline budgétaire rigoureuse, d’investir dans le capital humain, et d’améliorer l’efficacité des services publics. Le renforcement du filet de sécurité sociale est également crucial pour protéger les populations vulnérables et soutenir la productivité.
Par ailleurs, les Seychelles bénéficient aujourd’hui de deux mécanismes de soutien du FMI : le Mécanisme élargi de crédit (MEC) et le Mécanisme pour la résilience et la durabilité (MRD). Ces programmes accompagnent les efforts en matière de gouvernance économique et sociale, mais nécessitent aussi de nouveaux engagements politiques pour relever les défis futurs.
Une expérience inspirante pour d’autres économies africaines
L’histoire des Seychelles illustre l’importance d’une gestion macroéconomique saine et d’institutions fortes pour construire et maintenir la prospérité. Malgré sa taille réduite et sa vulnérabilité, le pays a réussi à transformer une crise profonde en un succès durable, grâce à des choix courageux et une discipline constante.
Pour de nombreuses économies africaines confrontées à des défis similaires, le parcours seychellois offre des enseignements précieux. Il montre que la résilience économique est possible grâce à des réformes structurantes, un appui international coordonné, et surtout une volonté politique forte.
Alors que le monde continue de faire face à des incertitudes économiques et environnementales croissantes, le modèle seychellois rappelle que même les petites économies peuvent bâtir une croissance durable et résiliente, à condition de maintenir le cap sur la rigueur, l’innovation sociale et la diversification.