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  • 31/07/2025

Banques centrales africaines : La ruée vers l’or, entre prudence et illusions

Dans la quête de stabilité monétaire, les banques centrales d’Afrique subsaharienne se tournent de plus en plus vers un vieil allié : l’or. Symbole de valeur refuge en temps d’instabilité économique mondiale, le métal jaune fait son grand retour dans les coffres des institutions monétaires du continent. Mais derrière cette stratégie de diversification, Fitch Solutions BMI alerte sur des risques majeurs, notamment liés au prix et à la liquidité de ce précieux actif.

 

Ces conclusions ont été présentées le 30 juillet 2025 lors du webinaire « Gold Rush: The Potential Macro Risks Of Reserve Diversification In Sub-Saharan Africa ». L’événement a mis en lumière une tendance croissante observée dans les économies émergentes, et particulièrement en Afrique subsaharienne, où les autorités monétaires accumulent l’or à un rythme soutenu. L’objectif est clair : se prémunir contre les turbulences macroéconomiques, qu’elles soient provoquées par l’environnement intérieur ou par les incertitudes venues des États-Unis et d’autres grandes économies.

 

« Cette stratégie peut soutenir l’adéquation des réserves et doter les décideurs politiques de la puissance de feu nécessaire pour soutenir leurs devises respectives », souligne Fitch Solutions BMI.

 

Cependant, cette stratégie comporte des angles morts que les décideurs ne peuvent ignorer. Premier risque : la volatilité du prix de l’or. Si les cours actuels restent élevés — autour de 3 100 dollars l’once en moyenne selon les prévisions de BMI pour 2025 — un retournement brutal du marché pourrait exposer les économies les plus dépendantes à de sérieuses difficultés.

 

« Une forte baisse des prix de l’or pourrait révéler des déséquilibres externes », prévient l’institution.

 

Cette menace est particulièrement préoccupante pour les pays qui dépendent déjà des recettes d’exportation d’or comme source majeure de devises, à l’image du Ghana ou du Burkina Faso. Pour ces États, une chute des prix aurait un double effet : amoindrir la valeur des réserves et réduire les entrées de devises issues du commerce extérieur.

 

Deuxième risque pointé : la liquidité. L’or, contrairement aux actifs financiers plus classiques comme les bons du Trésor américain ou les devises convertibles, est moins facilement mobilisable en cas de besoin urgent. BMI rappelle que l’augmentation de la part d’or dans les réserves peut poser un véritable défi en cas de choc externe nécessitant une intervention rapide sur les marchés des changes.

 

Les stratégies de gestion de l’or diffèrent d’un pays à l’autre. En Afrique du Sud, par exemple, l’or est conservé dans les réserves internationales non seulement pour sa stabilité perçue, mais aussi pour sa valeur symbolique en tant qu’instrument de réserve spécial. À l’inverse, dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, l’accumulation récente d’or reste limitée en volume mais rapide en rythme, ce qui accroît la vulnérabilité face aux fluctuations des prix mondiaux.

 

« Les marchés d’Afrique subsaharienne, qui commencent seulement à constituer des réserves d’or, pourraient subir des pertes à long terme », estime BMI.

 

Autre facteur souvent sous-estimé dans les politiques d’accumulation : les coûts logistiques. Le stockage sécurisé de l’or, son transport et sa protection exigent des infrastructures spécifiques. Ces charges, bien que peu visibles, représentent un fardeau non négligeable pour les pays émergents, notamment ceux disposant de moyens logistiques limités.

 

Enfin, il convient de rappeler que l’or reste un actif non rémunérateur. Contrairement à d'autres placements de réserve — obligations d’État, placements monétaires — il ne génère pas de rendement. Cela implique un arbitrage délicat pour les banques centrales africaines : sécuriser leurs avoirs sans pour autant sacrifier la performance financière de leurs portefeuilles.

 

« Les exportateurs d’or sont fortement exposés aux risques de prix, l’or constituant une part considérable des recettes d’exportation de la région », rappelle Fitch Solutions BMI.

 

En définitive, si l’accumulation d’or constitue une réponse légitime à la montée des incertitudes économiques mondiales, elle n’est pas sans conséquences. Elle impose une gestion rigoureuse, une évaluation régulière des risques et, surtout, une vision stratégique à long terme. Le métal jaune peut être un bouclier, mais mal manié, il peut aussi devenir une charge.

 

À retenir :

 

-      L’accumulation d’or progresse dans les réserves des banques centrales africaines, dans un contexte de forte incertitude mondiale.

 

-      Les principaux risques identifiés sont la volatilité du prix, la faible liquidité, et les coûts cachés (stockage, sécurité).

 

Les pays qui démarrent cette stratégie d'accumulation sont les plus exposés à moyen terme.