Dans le Sahel, les symboles de la tutelle postcoloniale tombent méthodiquement. Après les drapeaux abaissés sur les bases militaires, les accords sécuritaires dénoncés et les contrats miniers renégociés, c’est désormais le pilier monétaire qui entre dans la zone de turbulences. L’Alliance des États du Sahel (AES) – Mali, Burkina Faso et Niger – avance désormais à visage découvert vers la création d’une monnaie commune souveraine, pensée hors du cadre du franc CFA. La rupture est assumée. Le nom, lui, n’est pas encore fixé.
Ce silence n’est ni un flou ni une hésitation. Il est
stratégique. À Bamako, Ouagadougou et Niamey, le débat monétaire a quitté le
terrain des slogans pour entrer dans celui, plus austère, de la construction
institutionnelle. La monnaie n’est plus perçue comme un simple instrument
technique, mais comme un levier de souveraineté et de sécurité nationale. L’analyse
rejoint celle développée par le journaliste Göktuğ Çalışkan, dans un article
publié le 16 décembre 2025 sur TRT Afrika, consacré à la rupture monétaire
engagée par l’AES.
La sortie du franc CFA ne relève plus d’une hypothèse
théorique. Elle s’inscrit dans une trajectoire politique assumée, accélérée par
l’épisode des sanctions régionales de janvier 2022. Le gel des avoirs maliens
au sein de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a agi
comme un révélateur brutal : tant que la monnaie est contrôlée ailleurs, la
souveraineté politique demeure conditionnelle. Plusieurs responsables sahéliens
l’ont reconnu publiquement ces derniers mois, faisant de l’autonomie monétaire
une question de sécurité étatique.
L’AES ne parle donc plus de réforme du CFA, ni
d’aménagement à la marge. Elle parle désormais de substitution. Une monnaie
commune, hors UEMOA, hors Trésor français, hors parité fixe avec l’euro.
L’objectif est de doter les économies sahéliennes d’un outil capable de
financer l’agriculture, l’énergie, les infrastructures et la transformation
locale, plutôt que de servir prioritairement la stabilité recherchée par les
investisseurs extérieurs, comme le souligne également l’article de TRT Afrika.
Pour autant, aucun calendrier officiel n’a été rendu
public. Les autorités avancent par étapes, conscientes que la souveraineté
monétaire mal maîtrisée peut se retourner contre ses promoteurs. Le risque
d’hyperinflation, la tentation de la création monétaire excessive et la perte
de confiance des populations figurent parmi les lignes rouges identifiées.
Plusieurs économistes africains cités dans les débats régionaux rappellent que
la crédibilité d’une monnaie repose avant tout sur la discipline budgétaire et
l’indépendance effective de la future banque centrale.
La principale différence avec le franc CFA réside dans
la nature de la garantie. Là où le CFA repose sur une promesse politique
extérieure, la future monnaie de l’AES ambitionne de s’adosser à des actifs
tangibles : or, uranium, pétrole. Le sous-sol sahélien, longtemps exploité au
bénéfice de partenaires étrangers, devient ainsi un argument central de
crédibilité monétaire, un point largement développé dans l’analyse publiée par
TRT Afrika.
Le projet se distingue également du chantier inachevé
de l’Eco, la monnaie de la CEDEAO, perçue dans le Sahel comme une continuité
déguisée du CFA. Parité rigide, dépendance conceptuelle aux doctrines
monétaires occidentales, calendrier sans cesse repoussé : l’AES revendique une
autre voie. Plus flexible, plus risquée aussi, mais assumée. Dans cette
approche, la stabilité des prix n’est pas une fin en soi, mais un paramètre à
arbitrer avec l’emploi et l’investissement productif.
Derrière les débats techniques, une nouvelle
géographie économique se dessine. Un espace de plus de 70 millions d’habitants
pourrait émerger, unifié par une trajectoire politique commune et, à terme, par
une même monnaie. La promesse est celle d’une réduction des coûts de
transaction, d’une moindre dépendance au dollar et d’une meilleure circulation
de la valeur à l’intérieur de l’espace sahélien.
L’épreuve du réel reste à venir. Les marchés
observeront avec prudence. Les partenaires testeront les nouvelles règles du
jeu. Les populations, elles, jugeront sur l’impact concret sur le pouvoir
d’achat et l’accès au crédit. La monnaie commune de l’AES n’a pas encore de
nom, mais sa fonction est déjà clairement définie : reprendre le contrôle du
temps long économique.
Dans le Sahel, on ne baptise pas une monnaie avant de
l’avoir solidement forgée. Et cette fois, la forge est politique, technique et
historique.
Source
Analyse inspirée et contextualisée à partir de
l’article « Adieu franc CFA : la naissance d’une monnaie de combat »,
Göktuğ Çalışkan, TRT Afrika, 16 décembre 2025.
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