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  • 25/11/2025

Mali et Barrick Gold : Deux ans de conflit aurifère se terminent par un accord historique

Depuis deux ans, le Mali et Barrick Mining étaient engagés dans un conflit majeur autour du complexe aurifère de Loulo‑Gounkoto. Ce différend, à la croisée des enjeux de souveraineté minière et d’attraction des investissements, prend désormais un virage stratégique.

 

Origine du conflit : un code minier renforcé

 

Le point de départ remonte à l’adoption d’un nouveau code minier malien en 2023. Celui-ci augmente les obligations de l’État, notamment en matière de taxation et de contrôle. Le texte prévoit aussi jusqu’à 30% de participation de l’État dans certaines opérations minières, ainsi que des exigences de transparence plus strictes.

 

Pour Bamako, l’objectif est clair : garantir que l’exploitation de l’or profite davantage à l’État et à sa population. Mais pour Barrick, ces nouvelles règles mettent à mal des conventions antérieures, sur lesquelles l’entreprise estime que certaines dispositions ne devraient pas s’appliquer rétroactivement.

 

Escalade judiciaire et saisie de l’or

 

La tension a basculé en novembre 2024, quand les autorités maliennes ont saisi près de trois tonnes d’or sur le site de Loulo‑Gounkoto.


Barrick a alors été bloquée dans ses exportations : un “interim attachment order” l’empêchait d’expédier le stock d’or. Conséquence : l’entreprise canadienne a suspendu ses activités en janvier 2025.

 

Par ailleurs, quatre employés maliens de Barrick ont été arrêtés dans ce contexte, et l’entreprise dénonce une utilisation politique de ces détentions.

 

Prise de contrôle temporaire du complexe

 

En juin 2025, le Tribunal de commerce de Bamako a pris une décision lourde de sens : il a nommé Soumana Makadji, ancien ministre de la Santé, comme administrateur provisoire du complexe Loulo‑Gounkoto pour six mois.


La base juridique invoquée relève de la loi OHADA : un tribunal peut intervenir si « le fonctionnement régulier » d’une entreprise devient « impossible ». Barrick a fortement critiqué ce choix, estimant que cette administration externe n’a pas de fondement légal légitime.

 

Arbitrage international

 

Barrick a saisi l’ICSID (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) en décembre 2024, invoquant ses conventions minières avec l’État malien. Le 21 juillet 2025, une première audience a eu lieu, portant sur des mesures provisoires.


Dans sa demande, la compagnie exige notamment la levée des restrictions à l’exportation d’or et la non-reconduction du mandat de l’administrateur provisoire à son terme.

 

Vers un accord : désescalade et restitution

 

Le 24 novembre 2025, Barrick annonce un accord avec le gouvernement malien qui met fin à tous les litiges liés à Loulo‑Gounkoto. Selon ce communiqué :

  • Toutes les poursuites contre Barrick, ses employés et ses filiales seront abandonnées.
  • Les quatre employés détenus seront libérés (le processus de leur libération sera engagé).
  • L’administration provisoire du complexe sera levée, et le contrôle opérationnel reviendra à Barrick.
  • Barrick retirera sa plainte d’arbitrage à l’ICSID.

 

Impacts stratégiques

 

Cette résolution est lourde d’enjeux : pour le Mali, elle symbolise une affirmation de souveraineté sur ses ressources aurifères, après une période de tension accrue avec des entreprises étrangères.


Pour Barrick, c’est un soulagement mais aussi une leçon : la stabilité juridique demeure cruciale. L’entreprise affirme que ses droits légaux et contractuels doivent être protégés.


Sur le plan des investisseurs, le dossier malien montre que les États peuvent renégocier fortement leurs conditions, mais qu’il existe aussi des mécanismes internationaux (arbitrage ICSID) pour défendre ses intérêts.

 

Le conflit entre le Mali et Barrick autour de Loulo‑Gounkoto aura été un test de force majeur : c’est un exemple frappant de la tension entre souveraineté nationale et capitalisme mondial. L’accord trouvé marque un tournant, mais il reste à voir comment sera reconstruit un partenariat fondé sur la confiance, la transparence et le respect mutuel.