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  • 28/11/2025

Mozambique : L’État met la main sur son avenir GNL — 30 ans pour bâtir un hub national

Le 24 novembre 2025, le Gouvernement du Mozambique a officiellement accordé une concession de 30 ans à un consortium d’entreprises publiques pour développer et exploiter les infrastructures GNL (écosystème technique permettant de réceptionner, stocker, transformer et acheminer le gaz naturel liquéfié) du pays — un virage stratégique majeur pour transformer les promesses de gaz en valeur concrète.

 

Le consortium réunit la société nationale des hydrocarbures Empresa Nacional de Hidrocarbonetos (ENH), l’opérateur des ports et chemins de fer Caminhos de Ferro de Moçambique (CFM), l’entreprise d’électricité Electricidade de Moçambique (EDM), et l’opérateur hydroélectrique Hidroeléctrica de Cahora Bassa (HCB). À eux s’ajouteront des partenaires techniques et financiers — retenus par l’État — pour donner corps au projet.

 

Ce que couvre concrètement la concession, c’est d’abord un terminal GNL dans le port de Port de Beira, avec une unité flottante de stockage et de regazéification (FSRU), des infrastructures de réception et des capacités de stockage. La concession porte aussi sur un site secondaire à Inhassoro, dans la province d’Inhambane, ainsi que sur le gazoduc ROMPCO pipeline — long d’environ 865 km — qui relie le Mozambique à l’Afrique du Sud.

 

Cette décision de l’État intervient dans un contexte où le pays cherche à surmonter des blocages passés. Plusieurs grands projets d’exportation de GNL — notamment dans le bassin de Rovuma Basin — avaient été ralentis, en particulier en raison de l’insécurité dans le nord.

 

L’intérêt de cette concession est clair : l’État entend créer une chaîne logistique complète — de la réception du gaz liquéfié au port jusqu’à sa regazéification, son stockage, puis son transport via pipeline vers les marchés régionaux. En cela, il s’agit de doter le pays de l’infrastructure manquante pour transformer le potentiel gazier mozambicain en valeur réelle, tant pour le marché intérieur que pour l’exportation.

 

Plus qu’un simple projet, c’est une restructuration profonde du secteur gazier national. La création d’une entité ad hoc (special‑purpose vehicle) pour piloter l’ensemble ouvre la voie à une gouvernance consolidée et à une planification long terme.

 

Pourquoi cette décision a du sens — l’arrière-plan et les ambitions

 

Le Mozambique détient d’importantes ressources gazières, notamment dans le bassin de Rovuma. Plusieurs grands groupes internationaux — dont TotalEnergies et ExxonMobil — y développent des projets de production de GNL. Mais jusqu’à présent, la valeur de ces ressources était limitée par l’absence d’infrastructures robustes pour le gaz — tant pour le marché intérieur que pour l’exportation.

 

L’accord 2025 change la donne : avec un terminal GNL + FSRU + ROMPCO intégrés sous contrôle public, le pays acquiert la capacité de recevoir du GNL, de le regazéifier, de le stocker et de le transporter. Cela signifie que le Mozambique peut, non seulement exporter du gaz — ce que visent les projets des majors — mais aussi alimenter son marché intérieur : électricité, industrie, développement urbain.

 

L’idée est de transformer le gaz non seulement en ressource d’exportation, mais en levier de développement national. Autrement dit : du gaz = une opportunité d’industrialisation, de création d’emplois, d’attraction de capitaux, et d’autonomie énergétique.

 

Par ailleurs, le choix d’un consortium public (avec possibilité de partenaires externes) montre une volonté de l’État de garder un contrôle national sur un secteur stratégique — tout en ouvrant la porte à l’expertise et aux capitaux privés.

 

Les défis qui restent — ce qu’il faudra surveiller

 

Une telle ambition ne va pas sans défis. D’abord, le redémarrage des projets dans le nord — notamment ceux pilotés par TotalEnergies ou ExxonMobil — dépend toujours de l’évolution de la sécurité. L’insurrection dans le nord du pays a déjà retardé des plans, et la stabilité reste un point sensible.

 

Ensuite, la réussite de la concession dépendra de la capacité de la future entité publique à gérer efficacement un ensemble complexe : terminal, stockage, regazéification, pipeline, maintenance, distribution… Cela demande des compétences techniques, des capitaux, une gouvernance transparente. Toute faiblesse pourrait compromettre la viabilité du projet.

 

Enfin, il faudra s’assurer que le gaz produit serve l’intérêt national : en équilibrant l’export vers l’étranger et l’alimentation du marché intérieur — pour que ce projet ait un impact réel sur l’économie mozambicaine (industrialisation, création d’emplois, développement énergétique).

 

Ce que ce geste envoie comme signal — pour le Mozambique, la région, les investisseurs

 

Avec cette concession, le Mozambique affirme qu’il compte tirer pleinement parti de ses ressources : le pays ne se contente plus de compter sur les majors pour liquéfier et exporter, il se dote d’une infrastructure nationale structurante. C’est une posture d’État — responsable, volontariste, tournée vers l’avenir.

 

Pour les investisseurs, c’est un signal fort : le cadre est posé, l’infrastructure (ou du moins son pilote) est défini, le gouvernement montre qu’il veut contrôler et structurer. Cela peut inspirer confiance — pour des financements, des partenariats, des projets industriels annexes.

 

Pour la région, c’est aussi une promesse d’intégration énergétique : via le pipeline ROMPCO, le Mozambique peut devenir un hub GNL/régazéification reliant producteurs et consommateurs — un maillon central pour l’Afrique australe.