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  • 18/12/2025

Pétrole : Dangote veut faire entrer les Nigérians au capital de la plus grande raffinerie d’Afrique

Et si la plus grande raffinerie d’Afrique devenait aussi l’un des actifs les plus partagés du continent ?

Aliko Dangote envisage d’introduire en bourse sa méga-raffinerie de pétrole sur la Nigerian Exchange à partir de 2026, ouvrant potentiellement la majorité du capital aux investisseurs nigérians. Une opération rare par son ampleur, et lourde d’enjeux économiques.

 

Valorisée autour de 20 milliards de dollars, la raffinerie Dangote, située près de Lagos, affiche une capacité de traitement de 650 000 barils par jour. À pleine charge, elle est appelée à couvrir l’essentiel de la demande nationale en carburants raffinés, tout en alimentant plusieurs marchés régionaux d’Afrique de l’Ouest.

 

Ce projet marque une rupture avec un modèle qui a longtemps fragilisé l’économie nigériane. Premier producteur de pétrole brut d’Afrique, le Nigéria importait pourtant la majorité de son essence, de son diesel et de son kérosène. Une dépendance coûteuse, source de pression sur les réserves de change et sur les finances publiques.

 

La mise en service progressive de la raffinerie change la donne. Elle permet de capter localement les marges du raffinage, de réduire les importations et d’améliorer la balance commerciale. Mais pour Dangote, l’enjeu dépasse désormais la seule performance industrielle.

 

L’ouverture du capital vise à transformer cette infrastructure stratégique en actif national partagé. L’objectif affiché est de permettre aux Nigérians, y compris ceux de la diaspora, de devenir actionnaires directs d’un pilier de l’économie réelle.

 

Le montage envisagé est particulièrement révélateur. Les actions seraient achetées en nairas, afin de rester accessibles au plus grand nombre. En revanche, les dividendes seraient versés en dollars américains. Un mécanisme pensé pour protéger les investisseurs contre la volatilité du taux de change, dans un contexte monétaire encore instable.

 

Autre signal fort : l’absence de plafond sur le nombre d’actions achetables. Aliko Dangote se dit prêt à descendre à 45% du capital si les investisseurs en acquièrent 55%. Il conserverait ainsi le contrôle stratégique, tout en laissant la majorité économique au marché.

 

Cette perspective s’inscrit dans une logique financière précise. Après des années de construction et d’investissements massifs, la raffinerie entre progressivement en phase de production commerciale. Les flux de trésorerie deviennent plus lisibles. C’est traditionnellement à ce moment que les marchés boursiers interviennent, pour accompagner la montée en puissance et optimiser la structure financière.

 

Selon Dangote, ce projet est pensé comme un legs économique. « Cette raffinerie doit appartenir aux Nigérians », a-t-il déclaré à plusieurs reprises lors de prises de parole publiques, soulignant sa volonté de créer une richesse durable et partagée.

 

Les défis restent néanmoins considérables. La rentabilité dépendra de la politique nationale des prix des carburants, de la stabilité du cadre fiscal et douanier, ainsi que de la gouvernance post-introduction en bourse. Les investisseurs scruteront de près la transparence financière et la distribution effective des dividendes.

 

Malgré ces incertitudes, le signal envoyé est fort. En ouvrant le capital d’un actif aussi stratégique, Dangote propose une forme de capitalisme industriel enraciné, où les citoyens deviennent copropriétaires des infrastructures qui structurent leur économie.

 

Si l’introduction en bourse se concrétise dans les conditions annoncées, elle pourrait faire date.
Non seulement pour le Nigéria, mais pour l’ensemble des marchés financiers africains, encore rarement confrontés à des opérations de cette envergure, à la croisée de l’industrie, de la finance et de la souveraineté économique.