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  • 26/05/2025

Transport urbain : la SOTRA perd son monopole, un tournant pour la mobilité en Côte d’Ivoire


Le Conseil des ministres a entériné, le 21 mai 2025, un changement majeur dans le paysage du transport public en Côte d’Ivoire. L’exclusivité accordée à la SOTRA (Société des Transports Abidjanais) pour l’exploitation du service public de transport prend fin. Une décision stratégique, qui ouvre la voie à de nouveaux opérateurs privés ou publics, dans un contexte de transformation profonde de la mobilité urbaine.

Un monopole vieux de plusieurs décennies

Créée en 1960, la SOTRA a longtemps incarné l’unique bras armé de l’État pour organiser le transport en commun à Abidjan. Son statut d’entreprise publique lui avait conféré l’exclusivité de la gestion du réseau structuré de bus, bateaux-bus et taxis compteurs. Mais cette organisation centralisée, bien que pensée pour l’efficacité, a montré ses limites face à l’explosion démographique et à l’urbanisation galopante.

Le Grand Abidjan, aujourd’hui peuplé de plus de 6 millions d’habitants, vit au rythme de ses embouteillages et d’une offre de transport encore insuffisante. Les populations se tournent massivement vers des solutions alternatives, souvent informelles et non régulées. Face à ces défis, maintenir un monopole devenait difficilement justifiable.

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Un décret pour préparer l’avenir

Le décret adopté par le gouvernement ivoirien s’inscrit dans une vision plus large de réforme du secteur. Il anticipe l’arrivée de nouveaux modes de transport structurants, comme :

  • Le métro d’Abidjan, dont la ligne 1 (Anyama – Port-Bouët) est en construction.
  • Le BRT (Bus Rapid Transit), système de bus rapides sur voies dédiées, en cours de développement notamment sur l’axe Yopougon – Bingerville.

L’objectif est clair : bâtir un réseau intermodal, fluide, fiable et accessible. Pour y parvenir, il fallait briser le cadre juridique verrouillé autour de la SOTRA.

Un marché ouvert, mais encadré ?

La libéralisation du secteur ne signifie pas l’anarchie. L’État devra jouer un rôle de régulateur vigilant, en fixant les normes de qualité, de sécurité et de tarification. Il en va de la réussite du modèle.

D’autres villes africaines, comme Dakar ou Lagos, ont déjà ouvert leur secteur du transport à des opérateurs multiples, avec des résultats contrastés. À Abidjan, cette transition devra être accompagnée d’une modernisation des infrastructures, d’un système de billettique intégré et d’un cadre institutionnel fort.

Quels enjeux pour la SOTRA ?

La société historique sort affaiblie sur le plan symbolique, mais cette réforme pourrait aussi être l’occasion de se réinventer. La SOTRA devra désormais faire preuve de compétitivité, d’innovation et de qualité de service pour conserver sa part de marché.

Elle pourra aussi se positionner comme opérateur sur d’autres modes (métro, BRT), voire étendre ses activités dans d’autres villes ivoiriennes, comme Bouaké, San Pedro ou Korhogo, qui sont également concernées par la réforme.

Vers une nouvelle ère du transport urbain ?

Cette réforme marque un tournant décisif. Elle s’inscrit dans une dynamique où la mobilité est perçue non plus comme un simple service public, mais comme un levier de développement économique, de cohésion sociale et d’inclusion territoriale.

L’ouverture à de nouveaux opérateurs pourrait stimuler l’investissement privé, créer de l’emploi et renforcer la connectivité des villes. Mais elle implique aussi des choix de gouvernance clairs, pour éviter les dérives du tout-marché.

En mettant fin au monopole de la SOTRA, la Côte d’Ivoire amorce une transition ambitieuse vers un système de transport urbain moderne et pluraliste. Le pari est risqué, mais porteur d’espoir. Il appartient désormais à l’État de poser les garde-fous nécessaires pour que cette ouverture serve l’intérêt général, et non quelques intérêts privés.

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