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  • 28/11/2025

Cameroun : Le cacao à 1 500 FCFA ? Analyse d’une information qui fait débat

Le marché du cacao au Cameroun connaît une période de forte volatilité. Ce vendredi 28 novembre 2025, Sputnik Afrique a publié un article affirmant que « le prix du cacao au Cameroun s’est effondré de presque 35% en un mois, atteignant environ 1 500 francs CFA le kilo ». Cette information, reprise par certains médias, mérite un examen approfondi.

 

Une baisse réelle, mais pas généralisée

 

Selon les données officielles de l’Office national du cacao et du café (ONCC), via le Système d’information des filières (SIF), les prix portuaires au 14 novembre 2025 oscillent entre 2 300 et 2 400 FCFA/kg, contre environ 2 800 à 3 000 FCFA/kg au début du mois. Cette baisse, notable, représente une contraction de 15 à 20% sur le marché portuaire.

 

Le chiffre de 1 500 FCFA/kg, cité par Sputnik, correspond davantage à des témoignages de producteurs dans certains bassins ruraux, confrontés à des décotes logistiques, à la qualité des fèves et à l’intervention d’intermédiaires. Il ne reflète donc pas la moyenne nationale ni le prix pratiqué sur les principaux marchés camerounais.

 

Des producteurs fragilisés

 

Jean Marie Biada, économiste camerounais cité par le média russe, explique que « les intermédiaires et transformateurs captent presque toute la valeur, laissant les producteurs dans une situation d’injustice structurelle ». Cette situation met en lumière les écarts de valeur captés le long de la filière : certains producteurs reçoivent des prix proches de 1 500 FCFA/kg, tandis que d’autres, mieux connectés aux ports ou travaillant avec des lots de qualité, bénéficient de tarifs supérieurs à 2 300 FCFA/kg.

 

L’argument d’une réorganisation du marché mondial

 

Pour résoudre cette fragilité, certains experts suggèrent de rapatrier le marché mondial du cacao en Afrique, à l’instar du Ghana ou de la Côte d’Ivoire, afin que la valeur ajoutée et la transformation se fassent localement. Jean Marie Biada évoque le modèle du Botswana et de son secteur diamantifère : « Les habitants de Gaborone ont créé de nouvelles vitrines, la ville a été transformée, l’argent circule localement et les populations vivent du fruit de leur travail. »

 

Cette proposition, bien qu’innovante, implique des défis majeurs : coordination régionale, régulation internationale, volume suffisant pour influencer le marché mondial et investissements dans les infrastructures locales.

 

Un signal pour l’Afrique de l’Ouest

 

Le cas camerounais illustre la fragilité structurelle des filières agricoles africaines dépendantes de marchés mondiaux concentrés hors du continent. Il souligne l’urgence d’investir dans la transformation locale, la régulation et la consolidation des filières afin de réduire l’exposition des producteurs aux fluctuations extrêmes des prix.

 

En conclusion, si le chiffre de 1 500 FCFA/kg correspond à des situations ponctuelles dans certains bassins de production, il ne doit pas être interprété comme un effondrement généralisé. Il constitue néanmoins un signal d’alerte sur les inégalités au sein de la filière, et ouvre le débat sur les stratégies africaines pour capter une plus grande part de la valeur du cacao.