La crise bancaire qui s’est déclenchée au début du mois avec les faillites des banques américaines Silicon Valley Bank (SVB) et Signature Bank, s’est propagé à Crédit suisse, qui connaissait déjà d’importantes difficultés en raison d’une succession de crises et de scandales liés à sa gestion du risque. Flash-Back sur cette semaine noire qui a effacé plus de 167 années d’histoire de la banque suisse.
Une chute de l’action en bourse
L’action de crédit Suisse a chuté en bourse. En effet, dans les premiers échanges, le titre s’envolait de 30,82% à 2,22 francs, après avoir touché un point bas historique à 1,55 francs le mercredi 15 mars, lors d’une séance durant laquelle le titre avait perdu jusqu’à 30%.
À la clôture de la bourse de Zurich, ce mercredi, l’action de la banque s’est arrêtée à 1,697CHF (1,74€), entérinant une chute historique de 24,24% sur la journée. Plus tôt dans l’après-midi, le cours se portait encore moins bien (1,55CHF à -30% ponctuellement).
Le jeudi 16 mars, Crédit Suisse a annoncé emprunter à court terme jusqu’à 50 milliards de francs suisses (50,7 milliards d’euros) à la Banque Nationale Suisse (BNS) pour renforcer le groupe. La banque a aussi lancé une série d’opérations de rachat de dette pour environ 3 milliards de francs suisses.
Appelé en renfort, la banque centrale Suisse s’était dit prête à fournir des liquidités à crédit Suisse afin de rassurer les épargnants mais aussi les partenaires de la Suisse qui s’inquiètait d’une potentielle réaction en chaîne après la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) aux Etats Unis. Les autorités Suisses avaient tenu à rassuré qu’il n’y avait pas de risque de contagion possible.
La chute vertigineuse du titre a commencé après des déclarations du président de la Banque Nationale Saoudienne, première actionnaire de Crédit Suisse. Les Saoudiens ont volé au secours de la banque en entrant dans son capital en novembre. Mais la Saudi National Bank ne comptait « absolument pas » injecter davantage d’argent, principalement pour des raisons réglementaires et statuaires, a tenu à expliquer Ammar al-Khudairy, son président.
Crédit Suisse avait lancé en octobre un programme de restructuration pour tenter de se redresser. Mais certains actionnaires avaient fini par jeter l’éponge. Début février, Crédit Suisse avait dévoilé une perte nette de 7,3 milliards de francs pour l’exercice 2022 et avait prévenu s’attendre encore à une perte avant impôts « substantielle » en 2023.
Crédit Suisse a publié le 14 mars son rapport annuel, dans lequel le cabinet d’audit PwC notait que la banque n’avait pas conçu et maintenu un processus efficace d’évaluation des risques. Son cours en bourse s’est donc effondré au point de mettre ce pilier de la place financière Suisse en grand danger.
Fondé en 1856, Crédit Suisse était un pilier de la place financière helvétique, avec plus de 500 milliards de dollars d’actifs. Cette banque était dans la tourmente depuis la faillite de la société financière britannique Greensill qui avait marqué le début d’une série de scandales ayant fragilisé la banque. Depuis mars 2021, l’action avait perdu plus de 83% de sa valeur.
UBS accepte de doubler la mise et rachète Crédit Suisse
La plus grande banque de Suisse UBS, poussée par les autorités, a accepté, ce dimanche 19 mars 2023 d’acheter sa rivale Crédit Suisse pour 2 milliards de dollars, selon le Financial Times, acceptant de doubler la mise in extremis pour empêcher une débâcle et un mouvement de panique sur les marchés lundi.
Selon le quotidien financier britannique, UBS a accepté de doubler le montant initialement proposé pour surmonter les réticences de Crédit Suisse et de l’un de ses principaux actionnaires. La transaction se ferait uniquement en actions UBS et valoriserait l’action Crédit Suisse à un prix de 50 centimes, au lieu des 25 initialement proposés, qui reste très inférieur au cours du titre vendredi à la clôture (1,86 franc).
Cette solution « n’est pas seulement décisive pour la Suisse (…) mais pour la stabilité del’ensemble du système financier » mondial, a assuré le président de la Confédération helvétique, Alain Berset, estimant que c’était le meilleur moyen de « rétablir la confiance ».
Le montant du rachat de Crédit Suisse, qui traversait une intense phase de turbulences depuis la mi-mars, s’élevait à 3 milliards de francs suisses (3,02 milliards d’euros), payables en actions UBS, pour une banque qui en valait près du triple à la date du vendredi 17 mars, à la clôture de la Bourse.
UBS bénéficie d’unegarantie de quelque 9 milliards de francs du gouvernement qui sertd’assurance si des problèmes devaient être découverts dans des portefeuilles très spécifiques de Crédit Suisse, a déclaré Mme Keller-Sutter, la ministre des finances.
La banque centrale accorde par ailleurs une ligne de liquidités allant jusqu’à 100 milliards CHF à UBS et Crédit Suisseau moyen d’un prêt couvert par un privilège en cas de faillite. Elle peut également « allouer à Crédit Suisse une aide jusqu’à concurrence de 100 milliards de francs sous la forme d’un prêt couvert par une garantie de la Confédération », peut-on lire dans un communiqué de la BNS.
Les autorités de régulation et le gouvernement fédéral ont eu à faire une pression immense des principaux partenaires économiques de la Suisse pour assainir la situation avant qu’elle ne contamine le monde entier.
Avec le rachat de Crédit Suisse par UBS, une solution a été trouvée pour assurer la stabilité financière et protéger l’économie suisse dans cette « situation exceptionnelle », ont déclaré la Banque nationale suisse (BNS) et d’autres autorités du pays.
Concentration bancaire
Le rachat de Crédit Suisse par UBS fait de cette dernière la seule banque helvète opérant à l’échelle mondiale et accroit ainsi la dépendance du pays à un seul établissement bancaire.
Les salariés de Crédit Suisse ne cachaient pas leur inquiétude quant à leur avenir, suite à l’absorption par UBS de sa grande rivale, redoutant d’éventuelles suppressions liées à ce rachat.
Le chef de file du parti social-démocrate au Parlement suisse, Roger Nordmann, a prévenu lundi que l’opération créait des « risques énormes » pour la Suisse et UBS, et a mis en cause la direction de Crédit Suisse dans la chute de l’établissement.
« Ce qui s’est produit est terrible pour la crédibilité de la Suisse », a-t-il dit.
Jémima Orou