Guinée : 129 permis miniers annulés, un pari risqué pour relancer l’économie

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Guinée : 129 permis miniers annulés, un pari risqué pour relancer l’économie
Guinée : 129 permis miniers annulés, un pari risqué pour relancer l’économie

Le 26 mai 2025, la Guinée a secoué son secteur minier. Le ministre des Mines et de la Géologie, Bouna Sylla, a annoncé le retrait de 129 permis d’exploration minière, une décision lue à la télévision nationale. Cette mesure, qui s’ajoute à une précédente vague de retraits, porte à plus de 200 le nombre de licences annulées récemment. Objectif affiché : assainir un secteur stratégique pour l’économie guinéenne. Mais ce choix audacieux pourrait-il transformer les richesses du sous-sol en moteur de développement, ou risque-t-il de freiner les investisseurs ?

Une réforme pour reprendre le contrôle

La Guinée possède les plus vastes réserves mondiales de bauxite, ainsi que d’importants gisements d’or, de fer et de diamant. Pourtant, ces richesses profitent peu à sa population, dont 22% vit sous le seuil de pauvreté extrême, selon la Banque mondiale. Depuis le coup d’État de 2021, le général Mamadi Doumbouya, président de la transition, promet une « refondation » de l’État. Le secteur minier, pilier de l’économie avec 35% du PIB et 90% des exportations, est au cœur de cette ambition.

Les 129 permis retirés, couvrant des substances comme l’or et la bauxite, reviennent gratuitement à l’État. Selon le ministre Sylla, cette décision vise à « mettre fin à la spéculation » et à « garantir une exploitation transparente ». De nombreuses sociétés, souvent étrangères, n’ont pas respecté leurs obligations, comme démarrer les travaux dans les six mois ou payer les taxes prévues par le Code minier. « Ces entreprises ne contribuaient pas au développement économique », a déclaré Bouna Sylla à la télévision nationale le 26 mai 2025.

Un impact économique limité à court terme

Pour le Dr Oumar Totiya Barry, expert économique guinéen, l’impact immédiat reste modéré. « La plupart des sociétés concernées n’avaient pas entamé de travaux significatifs », explique-t-il dans une interview à Guinée 360. Les revenus miniers actuels, tirés de géants comme la Société Minière de Boké (SMB), ne sont pas directement affectés. Cependant, des entreprises comme AngloGold Ashanti ou Arrow Minerals, dont les cotations boursières ont été suspendues en Australie, font partie des touchées, ce qui souligne l’ampleur de la mesure.

Sur le plan social, les conséquences sont plus immédiates. Des pertes d’emplois sont à craindre pour les travailleurs des sociétés concernées. Le gouvernement promet des groupes de travail pour « réorienter les emplois », mais aucune mesure concrète n’a encore été annoncée. Dans un pays où le chômage des jeunes reste élevé, cette situation pourrait alimenter des tensions locales.

Un signal ambigu pour les investisseurs

La décision envoie un message clair : la Guinée veut des partenaires sérieux. Mais elle suscite aussi des inquiétudes. « Les investisseurs étrangers pourraient percevoir un risque d’instabilité réglementaire », note un rapport de l’Institut de recherche économique de Conakry. Les entreprises concernées peuvent contester la décision via des recours prévus par le Code minier, mais des litiges prolongés pourraient nuire à l’attractivité du pays.

À court terme, l’incertitude domine. Arrow Minerals, par exemple, a suspendu ses activités boursières pour évaluer l’impact sur ses projets. Pourtant, la Guinée reste un eldorado minier. Avec une croissance économique estimée à 5,3% en 2024 et projetée à 5,4% en 2025, selon le FMI, le secteur minier reste un moteur clé. Une redistribution transparente des permis pourrait attirer des investisseurs capables de développer rapidement les gisements.

Un pari sur l’avenir

À long terme, cette réforme pourrait transformer le secteur minier guinéen. En reprenant les permis inutilisés, l’État veut encourager une exploitation plus efficace des ressources. « La Guinée doit maximiser les bénéfices pour sa population », a insisté le général Doumbouya lors d’un discours en 2024. Une gestion rigoureuse pourrait accroître les revenus fiscaux, financer des infrastructures et réduire la dépendance aux exportations brutes.

Mais des défis persistent. La corruption, endémique dans le secteur minier, freine les retombées économiques. L’absence d’un audit complet du cadastre minier alimente les soupçons sur l’attribution des nouveaux permis. De plus, les infrastructures – routes, énergie – restent insuffisantes pour soutenir une exploitation à grande échelle. Sans réformes complémentaires, le pari de la « refondation » pourrait rester lettre morte.

Une opportunité à saisir

Le retrait de 129 permis miniers marque un tournant pour la Guinée. C’est un signal fort contre la spéculation, mais aussi un défi. La transparence dans la réattribution des licences sera cruciale pour regagner la confiance des investisseurs et des citoyens. Alors que le pays aspire à traduire ses richesses minières en développement, le succès de cette réforme dépendra de la capacité du gouvernement à joindre les actes aux promesses. Pour l’heure, la Guinée retient son souffle, entre espoirs de prospérité et risques d’instabilité.

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