Depuis son lancement en 2022, le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), conçu pour simplifier les transactions transfrontalières entre pays africains, poursuit progressivement son déploiement. Il enregistre déjà des résultats probants, notamment dans plusieurs pays anglophones d’Afrique de l’Ouest. En marge des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), tenues du 26 au 30 mai 2025 à Abidjan, John Bosco Sebabi, directeur général adjoint du PAPSS, a dressé un état des lieux du projet, en partageant ses perspectives et sa lecture des grands enjeux économiques du continent.
Où en est actuellement la mise en œuvre du PAPSS sur le continent ?
Permettez-moi de revenir un peu au début du projet. Le PAPSS a été créé pour faciliter les paiements transfrontaliers à travers l’Afrique. L’un des plus grands obstacles au commerce ou aux déplacements sur le continent, c’est justement le paiement. Nous avons compris que le commerce circule là où les systèmes de paiement sont efficaces.
Aujourd’hui, plusieurs défis se posent à l’échelle mondiale concernant les paiements. Premièrement, la rapidité : certaines transactions prennent 2 à 5 jours, parfois plus. Deuxièmement, le coût : il est souvent trop élevé. Troisièmement, l’accessibilité : seuls les clients des banques, souvent les plus aisés, peuvent vraiment accéder aux plateformes de paiement efficaces. Et enfin, la transparence : quand les paiements prennent trop de temps, on perd en visibilité et en confiance.
Le PAPSS vient répondre à ces quatre problématiques. Il s’agit d’un système de paiement instantané, dans lequel l’expéditeur est débité immédiatement et le bénéficiaire reçoit l’argent dans sa propre monnaie locale, quasiment en temps réel. Actuellement, le délai moyen de transaction est d’environ 10 secondes.
Nous avons démarré la mise en œuvre dans la Zone Monétaire de l’Afrique de l’Ouest, où le système fonctionne déjà efficacement. Par exemple, environ 80 % des banques au Ghana sont connectées au PAPSS. Nous étendons désormais son usage, en passant des canaux bancaires traditionnels aux applications mobiles. À ce jour, le PAPSS est opérationnel dans 16 marchés africains et nous travaillons progressivement pour que toutes les régions du continent soient intégrées.
Dans quelle mesure pensez-vous que la mise en œuvre du PAPSS peut faciliter les flux de capitaux intra-africains et soutenir le développement d’un marché financier continental plus intégré et plus inclusif ?
C’est une excellente question. Un système de paiement fait partie intégrante du système financier. Un système financier efficace doit permettre de mobiliser l’épargne, d’allouer les capitaux, et d’assurer des paiements fluides et rapides.
Le PAPSS contribue à cela en connectant les pays entre eux et en rendant l’infrastructure financière africaine plus fluide. Notre objectif est de réduire les coûts de transaction, de minimiser les risques de règlement et les risques opérationnels, tout en garantissant des vitesses de traitement optimales. Avec le PAPSS, une transaction se fait en environ 10 secondes.
Les frais sont également très compétitifs — un minimum de 2 dollars et un maximum de 12 dollars, ce qui est l’un des niveaux les plus bas au monde. En ce qui concerne le risque de règlement, il est maîtrisé grâce à un fonds mis en place par la Banque africaine d’Import-Export (Afreximbank). Ce fonds permet d’accorder un soutien de liquidité aux banques qui pourraient faire face à un manque de ressources, évitant ainsi un effet domino sur le système. Ce mécanisme fonctionne comme une facilité de découvert mise à disposition des banques.
Récemment, l’Union africaine a lancé son projet d’une Agence africaine de Notation de Crédit qui vise à transformer la perception qu’on a des économies africaines. Bien que le projet ne soit pas directement en lien avec le PAPSS, il s’inscrit dans la même vision de développement du continent et de la facilité d’y faire des affaires. Selon vous, quel impact le déploiement de cette agence aura-t-il sur le coût du financement des États et des entreprises africaines ?
Je suis convaincu que cette agence jouera un rôle essentiel. Aujourd’hui, que ce soit pour un État ou une entreprise, votre note de crédit détermine le taux auquel vous pouvez emprunter. Et malheureusement, l’Afrique souffre souvent d’une perception de risque exagérée, liée à une méconnaissance de ses réalités économiques.
Le fait d’avoir une agence de notation panafricaine, qui comprend réellement les dynamiques des économies du continent et leur potentiel, peut corriger cette perception. Cela permettrait de réduire les coûts d’emprunt et de faciliter l’accès au financement. Cela va également dans le sens du renforcement de nos institutions financières, pour qu’elles puissent mieux mobiliser et allouer les ressources. En les capitalisant et en les consolidant, on leur donne les moyens de jouer pleinement leur rôle.
Face aux défis du développement durable, quelles synergies peut-on construire entre le PAPSS, les bourses régionales et les agences de notation pour créer un écosystème financier africain plus résilient et plus souverain ?
Comme je l’ai dit plus tôt, il nous faut bâtir un système financier africain à la fois efficace et intégré. Cela suppose une véritable interconnexion. Un système financier repose sur un réseau d’institutions, de marchés, d’infrastructures et de processus. Une fois ces éléments intégrés et bien articulés, on peut atteindre l’efficacité, en éliminant les frictions et les inefficacités.
Prenons un exemple : si les actions peuvent être échangées à travers l’Afrique grâce au projet de liaison des bourses africaines (African Exchanges Linkage Project) ou à travers l’Association des Bourses d’Afrique, il est essentiel de veiller à ce que les paiements qui accompagnent ces transactions puissent aussi être réalisés instantanément. C’est là qu’intervient la synergie avec le PAPSS. C’est exactement ce sur quoi nous travaillons avec les bourses, pour assurer l’interconnexion entre les plateformes de négociation et les systèmes de paiement.
Et bien sûr, à un niveau plus global, les agences de notation africaines viennent compléter ce dispositif. Si nous développons séparément les bourses, les systèmes de paiement ou les agences de notation, nous n’obtiendrons pas un système financier efficace et intégré. Tous ces éléments doivent fonctionner ensemble : les institutions, les marchés et les infrastructures.
Le PAPSS semble à un bon niveau d’avancement par rapport à ses objectifs d’implémentation. Quelles sont les prochaines étapes de son déploiement ?
Aujourd’hui, la plateforme fonctionne. Elle est opérationnelle dans la Zone Monétaire de l’Afrique de l’Ouest, et nous sommes en phase d’expansion vers d’autres régions. Nous sommes en discussion avec la BCEAO, qui couvre huit pays, ainsi qu’avec la BEAC, qui en couvre six autres. Cela fait déjà 14 pays supplémentaires concernés. D’autres sont également en vue, même s’ils ne dépendent pas tous d’une Banque centrale régionale.
Nous menons aussi un projet pilote en Afrique du Sud, qui reste l’un des plus grands marchés du continent. L’objectif est désormais de faire en sorte que ces grands marchés se connectent entre eux, qu’ils puissent commercer ensemble et que les échanges soient facilités. C’est là où nous en sommes dans le processus de déploiement.
Nous travaillons également avec les systèmes de paiement régionaux. Nous avons lancé un projet avec le système régional de règlement des paiements du COMESA. Nous collaborons aussi avec la SADC, l’Afrique du Sud et les institutions régionales de cette zone. Voilà comment nous déployons le PAPSS : en discutant directement avec les Banques centrales régionales et les institutions financières pour assurer une véritable intégration.
Avec Agence ecofin