Migration vers les USA : Au Mali, le visa passe désormais par vos réseaux sociaux

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Migration vers les USA : Au Mali, le visa passe désormais par vos réseaux sociaux
Migration vers les USA : Au Mali, le visa passe désormais par vos réseaux sociaux

Les candidats maliens aux visas étudiants, professionnels ou culturels pour les États-Unis doivent désormais rendre publics leurs comptes sociaux. Une mesure symbolique des nouvelles dynamiques migratoires.

À Bamako, l’information publiée par l’ambassade des États-Unis n’est pas passée inaperçue. Depuis ce week-end, les demandeurs de visa non-immigrant de type F, M ou J sont priés de modifier les paramètres de confidentialité de leurs comptes de réseaux sociaux, afin de les rendre accessibles au public.

« À compter de maintenant, toutes les personnes demandant un visa non-immigrant de type F, M ou J sont priées de modifier les paramètres de confidentialité de tous leurs comptes de réseaux sociaux en les rendant publics afin de faciliter les vérifications nécessaires à l’établissement de leur identité et de leur admissibilité aux États-Unis », précise le communiqué publié par l’ambassade sur Facebook.

Cette obligation concerne trois grandes catégories de visas temporaires : le visa F, destiné aux étudiants internationaux inscrits dans des universités ou écoles accréditées ; le visa M, réservé aux formations techniques ou professionnelles non-académiques ; et le visa J, qui encadre les programmes d’échanges culturels, y compris les chercheurs, stagiaires, assistants de langue et au pairs. Les profils des demandeurs devront désormais être rendus visibles sur les principales plateformes sociales comme Facebook, Instagram, TikTok, X (ex-Twitter), LinkedIn ou YouTube.

Cette exigence ne tombe pas du ciel. Elle s’inscrit dans la continuité d’une politique migratoire américaine initiée dès 2017. Cette année-là, sous l’administration Trump, le Département d’État obtient l’autorisation de collecter les identifiants de réseaux sociaux de millions de demandeurs de visas. En 2019, la règle est étendue à presque tous les types de visas non-immigrants, sauf exceptions diplomatiques. Cette stratégie a été maintenue par l’administration Biden, dans une optique de vérification d’identité renforcée et de lutte contre les risques sécuritaires.

En clair, les autorités consulaires peuvent analyser les publications publiques, les commentaires, les contenus partagés, et plus largement les interactions visibles de l’utilisateur. Le but affiché est d’identifier d’éventuels signaux d’alerte, comme l’adhésion à des discours extrémistes, des activités illégales ou des incohérences par rapport au dossier administratif.

Pour les jeunes d’Afrique de l’Ouest, et particulièrement les Maliens, Ivoiriens ou Sénégalais, très actifs sur les réseaux sociaux, cette mesure impose une vigilance nouvelle. Un contenu ironique, mal interprété ou mal contextualisé peut désormais affecter une demande de visa. Bien qu’aucune sanction automatique ne soit prévue, les demandeurs sont tacitement invités à soigner leur réputation numérique. Certains conseillers en mobilité recommandent d’ores et déjà un audit de ses profils avant toute démarche.

Selon les données du Migration Policy Institute et du Département d’État américain, plus de 12 000 visas F et J ont été délivrés en 2022 à des ressortissants d’Afrique de l’Ouest. Les États-Unis demeurent, après la France et le Canada, l’une des principales destinations pour les étudiants et jeunes professionnels africains. La concurrence internationale dans ce secteur est forte. Or, cette transparence exigée pourrait en décourager certains. Contrairement aux États-Unis, d’autres pays comme le Canada ou l’Allemagne n’imposent pas encore une telle visibilité numérique systématique dans leurs procédures.

Cette évolution réglementaire souligne une tension croissante entre liberté individuelle et contrôle sécuritaire. En rendant obligatoires l’accès aux contenus sociaux, Washington envoie un signal clair : l’image publique en ligne fait désormais partie intégrante de l’identité d’un candidat à l’entrée sur son territoire.

Ce choix s’inscrit dans un contexte mondial de cybersurveillance croissante. Plusieurs rapports, dont ceux de l’Electronic Frontier Foundation (EFF), alertent sur les dérives possibles d’un tel encadrement, notamment pour les individus exprimant des opinions politiques ou culturelles marginales.

Étudier ou travailler aux États-Unis reste un projet ambitieux pour des milliers de jeunes Africains. Mais pour franchir les frontières, il faudra désormais franchir aussi une barrière numérique. À l’ère de la transparence algorithmique, votre profil en ligne devient un document officiel, au même titre que votre passeport.

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