Le Zimbabwe, leader africain du lithium, prend un virage audacieux. À partir de janvier 2027, le pays interdira l’exportation des concentrés de lithium, un composant clé des batteries pour véhicules électriques et énergies renouvelables. Cette décision, annoncée le 10 juin 2025 par le ministre des Mines, Winston Chitando, vise à maximiser la valeur ajoutée locale. Mais que signifie-t-elle pour l’économie zimbabwéenne et les investisseurs étrangers ?
Une stratégie de transformation locale
Le lithium, surnommé « l’or blanc » de la transition énergétique, est au cœur de la stratégie du Zimbabwe. En 2022, le pays avait déjà interdit l’exportation de minerai brut de lithium, obligeant les entreprises à traiter davantage sur place. Désormais, l’interdiction s’étend aux concentrés, un produit semi-transformé. « En raison de cette capacité qui existe désormais dans le pays, l’exportation de tous les concentrés de lithium sera interdite à partir de janvier 2027 », a déclaré Chitando lors d’un point de presse.
Cette mesure s’appuie sur le développement de nouvelles usines. Deux projets phares, portés par des entreprises chinoises, sont en cours. Bikita Minerals, propriété de Sinomine, et Prospect Lithium Zimbabwe, détenu par Zhejiang Huayou Cobalt, construisent des raffineries pour produire du sulfate de lithium. Ce composé est une étape cruciale avant la fabrication de matériaux pour batteries, comme l’hydroxyde ou le carbonate de lithium.
Pourquoi cette décision ?
Le Zimbabwe cherche à tirer profit de ses ressources. En tant que premier producteur africain de lithium, le pays veut éviter le piège des exportations brutes, qui profitent peu à l’économie locale. En obligeant les entreprises à raffiner sur place, Harare espère créer des emplois, développer des compétences et augmenter ses revenus. Cette stratégie s’aligne avec une tendance mondiale : les pays riches en minerais, comme l’Indonésie avec le nickel, imposent des restrictions similaires pour capter plus de valeur.
Cependant, la route est semée d’embûches. En 2023, le Zimbabwe avait exigé des mineurs qu’ils soumettent des plans pour des raffineries locales d’ici mars 2024. Mais la chute des prix du lithium, liée à une offre mondiale abondante, a freiné les investissements. Face à ces défis, le gouvernement a assoupli ses exigences, permettant aux entreprises de mieux s’adapter.
Les géants chinois en première ligne
Le Zimbabwe attire les investisseurs chinois depuis plusieurs années. Des entreprises comme Sinomine, Zhejiang Huayou Cobalt, Chengxin Lithium Group, Yahua Group et Canmax Technologies ont investi plus d’un milliard de dollars depuis 2021 pour exploiter et développer des mines de lithium. Ces acteurs, qui exportent souvent des concentrés vers la Chine, devront désormais adapter leurs opérations pour se conformer à la nouvelle réglementation.
Cette présence chinoise soulève des questions. Si les investissements stimulent l’économie, ils renforcent aussi la dépendance envers un partenaire clé. La construction de raffineries locales pourrait diversifier les débouchés, mais elle exige des technologies avancées et des financements massifs. Le Zimbabwe parviendra-t-il à équilibrer ses ambitions et ses contraintes ?
Un pari risqué mais ambitieux
L’interdiction de 2027 est un pari audacieux. En forçant la transformation locale, le Zimbabwe veut se positionner comme un acteur majeur de la chaîne mondiale des batteries. Mais le succès dépendra de plusieurs facteurs : la capacité des nouvelles usines à produire à grande échelle, la stabilité des prix du lithium et la coopération des investisseurs étrangers.
Pour les habitants, cette politique pourrait transformer l’économie. La création d’emplois dans le raffinage et l’industrialisation locale offrirait des perspectives nouvelles. Toutefois, le pays devra surmonter des défis logistiques et financiers pour concrétiser cette vision.
Un tournant pour l’Afrique ?
Le Zimbabwe n’est pas seul dans cette démarche. D’autres nations africaines, riches en minerais stratégiques, observent attentivement. Si Harare réussit, son modèle pourrait inspirer des politiques similaires ailleurs sur le continent. Pour l’heure, le compte à rebours est lancé : janvier 2027 marquera un tournant pour le lithium zimbabwéen.