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  • 23/09/2025

AES : Le retrait du Statut de Rome, un acte de souveraineté assumée

Dans un communiqué conjoint, les États membres de la Confédération des États du Sahel (AES) – Burkina Faso, Mali et Niger – ont annoncé leur retrait du Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale (CPI). Une décision qui marque une inflexion stratégique dans leurs relations avec les institutions internationales.

 

« La Cour s’est transformée en un instrument politique aux mains de puissances étrangères », dénoncent les trois gouvernements dans le document officiel signé à Bamako.

 

Une rupture avec un cadre juridique international

 

Ratifié respectivement en 2000, 2002 et 2004, le Statut de Rome liait ces pays à la CPI, les engageant à coopérer dans la poursuite des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et du génocide. Mais depuis plusieurs années, des voix africaines s’élèvent contre ce qu’elles considèrent comme une justice à deux vitesses.

 

Le président malien de la transition, Assimi Goïta, également président de la Confédération AES, affirme que cette décision s’inscrit dans « la volonté affichée des États membres d’affirmer pleinement leur souveraineté » et de recourir à des « mécanismes endogènes pour la consolidation de la paix et de la justice ».

 

Une critique récurrente de la CPI en Afrique

 

L’Afrique représente près de 30% des États parties au Statut de Rome, mais concentre plus de 80% des enquêtes ouvertes par la CPI depuis sa création. Des figures comme Uhuru Kenyatta, ancien président du Kenya, ou Omar el-Béchir du Soudan, ont été ciblées, alimentant le sentiment d’un traitement inéquitable.

 

« La CPI est devenue un outil de pression contre les dirigeants africains qui choisissent une voie souveraine », estime le juriste camerounais Charles Taku, ancien conseiller à la CPI, dans une tribune publiée par The Africa Report.

 

Vers une justice régionale ?

 

Le retrait des États de l’AES relance le débat sur la mise en place de juridictions africaines capables de juger les crimes graves. L’idée d’une Cour africaine de justice et des droits de l’homme, portée par l’Union africaine, refait surface.

 

Mais les défis sont nombreux : financement, indépendance, reconnaissance internationale. En attendant, les États de l’AES réaffirment leur engagement à « soutenir la promotion et la protection des droits de l’Homme en adéquation avec leurs valeurs sociétales ».

 

Une posture diplomatique affirmée

 

Ce retrait intervient dans un contexte de redéfinition des alliances. Les trois pays, confrontés à des défis sécuritaires majeurs, ont multiplié les partenariats alternatifs, notamment avec la Russie et la Turquie. Le geste est donc autant juridique que géopolitique.

 

« C’est une manière de dire que l’Afrique peut penser sa propre justice, hors des tutelles », analyse l’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla dans Le Monde diplomatique.

 

Et maintenant ?

 

Conformément à l’article 127 du Statut de Rome, la notification officielle au Secrétaire général des Nations Unies enclenchera un délai d’un an avant que le retrait ne soit effectif. D’ici là, les États restent tenus par leurs obligations.

 

Mais le signal est clair : l’AES veut redéfinir les règles du jeu. Et dans cette recomposition, la souveraineté juridique devient un levier politique et économique.