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  • 07/07/2025

Croissance bloquée, institutions fragiles : la BAD pousse Pretoria à des réformes profondes

Avec une croissance économique qui fléchit et des ressources nationales estimées à plus de 3 000 milliards de dollars, l’Afrique du Sud incarne le paradoxe d’un géant économique en perte de vitesse. La Banque africaine de développement tire la sonnette d’alarme et appelle à une transformation profonde.

 

La Banque africaine de développement (BAD) a présenté mercredi 3 juillet à Pretoria son Rapport économique pays 2025, centré sur l’Afrique du Sud. Le constat est préoccupant : la croissance du produit intérieur brut est passée de 0,7% en 2023 à seulement 0,6% en 2024. Un recul qui s’explique par des facteurs structurels persistants et des chocs exogènes qui freinent l’élan économique du pays.

 

Le rapport pointe notamment les délestages électriques récurrents, une sécheresse aiguë qui pénalise l’agriculture, et les perturbations dans les secteurs du transport et de la logistique, essentiels aux échanges commerciaux. Autant de défaillances systémiques qui continuent de miner la compétitivité sud-africaine.

 

Un potentiel massif, mais mal exploité

 

Ce diagnostic intervient alors que le pays dispose d’un capital national considérable. En 2020, la richesse globale de l’Afrique du Sud — intégrant le capital naturel, humain, financier et les infrastructures — était estimée à plus de 3 000 milliards de dollars. Pourtant, cette abondance reste largement sous-utilisée dans les dynamiques de croissance.

 

Pour Kevin Chika Urama, économiste en chef et vice-président de la BAD, la solution passe par une meilleure gouvernance des actifs existants. « Si l’Afrique s’engage à investir dans son propre développement et à gérer efficacement ses actifs, elle pourra se libérer de sa dépendance extérieure et exploiter son énorme capital pour une croissance transformatrice », a-t-il souligné.

 

L’économiste déplore en particulier la faiblesse des administrations fiscales, ainsi que des systèmes inefficaces de collecte et d’utilisation des recettes publiques. Ces insuffisances expliquent en partie la sous-performance budgétaire du pays et l’incapacité à convertir les ressources internes en leviers de développement durable.

 

Le gouvernement veut rassurer

 

Face à ces critiques, le gouvernement sud-africain se veut rassurant. Le vice-ministre des Finances, Ashor Nick Sarupen, s’est engagé à renforcer la coopération avec le secteur privé pour stimuler les investissements dans des domaines stratégiques tels que les énergies renouvelables, l’industrie, la finance, la technologie et l’hôtellerie.

 

Tout en reconnaissant la pression exercée par la crise économique, Sarupen a mis en avant la résilience du pays. Il a salué la diversification de l’économie sud-africaine, la solidité de ses institutions, ainsi qu’un système financier sophistiqué et un marché des capitaux développé, autant d’atouts qui permettent au pays de résister aux chocs successifs.

 

Il a également insisté sur la nécessité de renforcer le capital humain, en améliorant l’accès à l’éducation, à la santé, et en soutenant la formation professionnelle et l’entrepreneuriat, notamment chez les jeunes. Pour Pretoria, l’autonomisation économique des citoyens est l’un des leviers prioritaires pour relancer une croissance inclusive.

 

Gouvernance et cadre institutionnel au cœur des réformes

 

Le rapport de la BAD insiste aussi sur un point fondamental : sans institutions fortes, aucune stratégie de croissance ne peut réussir. À l’occasion d’une table ronde organisée lors du lancement du rapport, plusieurs experts ont souligné l’urgence de consolider l’État de droit, la gouvernance économique et l’efficacité administrative.

 

Les interventions de responsables de la BAD et d’experts sud-africains, comme Yolande Smit (Trésor national) ou Joseph Matola (Institut sud-africain des affaires internationales), ont convergé : il faut restaurer la confiance des investisseurs, améliorer l’allocation des ressources publiques et mettre fin aux goulets d’étranglement institutionnels.

 

Un enjeu africain, pas seulement sud-africain

 

La portée du rapport dépasse largement les frontières sud-africaines. Alors que Pretoria préside actuellement le G20, sa capacité à impulser une trajectoire de croissance durable est aussi une vitrine pour le continent. La BAD rappelle que de nombreux pays africains disposent de ressources inexploitées et d’un important capital humain encore peu valorisé.

 

Ce rapport s’inscrit ainsi dans un appel plus large à repousser les limites du développement exogène, en favorisant les initiatives endogènes et la coopération entre secteurs public et privé. L’Afrique du Sud peut et doit servir de laboratoire continental en matière de réformes structurelles ambitieuses.

 

L’Afrique du Sud est riche, mais elle n’en tire pas suffisamment parti. À travers son rapport 2025, la Banque africaine de développement trace une feuille de route rigoureuse pour sortir le pays de l’ornière : réforme fiscale, investissements productifs, renforcement des institutions et mise en valeur du capital humain. Reste à savoir si Pretoria aura la volonté politique de franchir le pas. Car pour transformer cette richesse dormante en moteur économique, il ne suffit plus de constater : il faut agir.

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