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  • 15/10/2025

Economie : Le communiqué du Caucus africain rassure-t-il vraiment les marchés émergents ?

Le communiqué du Caucus africain et du FMI du 14 octobre 2025 affiche un optimisme prudent : stabilité, croissance, financement plus concessionnel. Mais dans les couloirs des marchés émergents africains, les investisseurs scrutent la profondeur des engagements plus que les promesses. Le pari : transformer les mots en signaux tangibles et crédibles.

 

Le 14 octobre 2025, le Caucus africain (Coalition financière africaine composée de ministres des Finances et de gouverneurs de banques centrales) et le FMI ont réaffirmé leur engagement pour la résilience et le développement à long terme du continent. Le communiqué évoque une croissance africaine de 4,2% en 2025, une dette stabilisée autour de 65% du PIB et un appui renforcé via des fonds concessionnels (FRPC/PRGT, FDR).

 

Pour les marchés émergents africains, ce type de communication peut jouer un rôle rassurant — à condition qu’il soit accompagné de clarté, cohérence et crédibilité dans l’exécution.

 

1.   Les signaux positifs que les investisseurs peuvent valoriser

 

  • Le communiqué met en avant des réformes structurelles : numérisation fiscale, élargissement de l’assiette, efficacité des dépenses. Ces engagements peuvent soutenir la notation souveraine si la mise en œuvre est rapide et vérifiable.
  • L’intention d’« ouvrir un espace budgétaire » pour les investissements d’infrastructure ou en capital humain donne un message de priorité aux moteurs de croissance.
  • Le recours à des fonds concessionnels et taux zéro pour les pays les plus pauvres (via le FRPC) peut diminuer le coût du financement externe pour certains États, s’ils peuvent y accéder.

 

2. Les doutes et les risques que les marchés ne digèrent pas

 

a) Le coût du capital déjà très élevé

 

Dans de nombreuses économies africaines, les taux d’emprunt sont déjà très contraignants. Moody’s, dans une étude sur l’Afrique subsaharienne, souligne que les coûts d’emprunt ont augmenté pour les États, les banques et les entreprises à cause de la remontée des taux directeurs mondiaux.
Si un gouvernement est déjà en capacité serrée, un engagement non respecté ou un aléa externe (choc des taux, repli du crédit international) peut faire vaciller la confiance.

 

b) Incertitude sur la croissance réelle

 

Le FMI lui-même a revu à la baisse ses perspectives pour l’Afrique subsaharienne : la croissance anticipée est de 3,8% en 2025, contre des projections plus optimistes antérieures.
Cet ajustement montre qu’au-delà des aspirations, la trajectoire est vulnérable.

 

c) Les marchés souverains déjà en tension

Quelques exemples :

  • Angola a émis récemment un eurobond dans un contexte de rendement élevé (9,86%) pour financer ses besoins — ce niveau traduit une prime de risque élevée malgré l’intérêt du marché.
  • Gabon a réalisé un échange de titres régionaux pour alléger ses paiements en 2025, ce qui, selon Fitch, équivaut à une réduction d’environ 1,4% du PIB cette année.
  • Afrique du Sud, qui dispose d’un marché local de titres relativement profond, reste sous pression : Fitch craint que le gouvernement ne parvienne pas à stabiliser la dette comme prévu dans son budget.

 

Ces exemples montrent que même avant l’annonce du communiqué, certains marchés souverains africains étaient déjà soumis à des contraintes fortes.

 

3. Verdict provisoire : un communiqué utile… s’il est suivi d’actes

 

Le communiqué du Caucus + FMI délivre un signal nécessaire dans un contexte mondial tendu : il rassure sur l’intention d’un engagement renouvelé envers l’Afrique. Mais il n’offre pas, à lui seul, une garantie de retour de confiance des marchés.

 

Les investisseurs émergents africains attendront :

  • des programmes détaillés, pays par pays,
  • un calendrier de décaissement clair des fonds annoncés,
  • des résultats concrets sur les réformes structurales,
  • et une réaction aux chocs extérieurs (hausse des taux mondiaux, resserrement du crédit) sans revers majeurs.

 

C’est à ce prix que la rhétorique pourra se muer en crédibilité sur les marchés. En l’état, le communiqué rassure, mais ne convainc pas encore les plus exigeants.