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  • 15/10/2025

FMI–Afrique : Le nouveau contrat moral entre promesses, conditions et zones d’ombre

Sous le vernis des promesses de partenariat renouvelé, l’Afrique et le FMI tentent de redéfinir les règles d’un dialogue vieux de soixante ans. Entre discours d’empathie, conditions persistantes et quête d’équité, le nouveau contrat moral qui se dessine interroge sur la place réelle du continent dans la gouvernance économique mondiale.

 

Depuis la création du Caucus africain en 1963, les ministres africains des Finances et les gouverneurs de banques centrales tentent de parler d’une seule voix face au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale. L’objectif reste inchangé : faire entendre les besoins d’un continent souvent perçu comme un terrain d’assistance plutôt que comme un acteur stratégique. Mais le ton a changé. L’Afrique ne quémande plus, elle revendique.

 

Lors de la dernière réunion du Caucus africain, le message était clair : le FMI doit évoluer avec l’Afrique, ou risquer de la perdre. Les ministres ont salué les réformes entreprises par l’institution, notamment le soutien post-pandémie, l’allocation de 650 milliards de dollars en Droits de Tirage Spéciaux (DTS) en 2021 et la création du Fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (RST). Mais ils pointent aussi le décalage entre les promesses d’adaptation et la réalité des conditionnalités.

 

« L’Afrique est essentielle à la stabilité de l’économie mondiale », a reconnu Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI. Pourtant, derrière cette formule flatteuse, de nombreux responsables africains dénoncent une logique de dépendance entretenue par les programmes d’ajustement et les critères de rigueur budgétaire. Ces derniers, souvent calqués sur des modèles occidentaux, freinent l’investissement productif et la marge de manœuvre budgétaire des États.

 

Le FMI, lui, plaide la prudence : éviter les dérapages budgétaires, maintenir la stabilité des prix et protéger les équilibres macroéconomiques. En théorie, rien de contestable. En pratique, cette prudence se transforme souvent en corset pour des économies fragilisées par les crises climatiques, les chocs démographiques et la dette. Selon la CEA (Commission économique pour l’Afrique), plus de 20 pays africains sont aujourd’hui en situation de surendettement ou à haut risque.

 

Le “nouveau contrat moral” que prône le FMI repose donc sur une tension : comment concilier discipline financière et développement inclusif ? L’Afrique réclame plus de flexibilité, un financement du climat adapté, et surtout une réforme de la gouvernance du FMI. Actuellement, le continent dispose de seulement deux sièges exécutifs sur 24, pour 54 pays membres — un déséquilibre criant que même le Fonds reconnaît timidement.

 

Sur le terrain, quelques signaux positifs émergent : des partenariats renforcés avec les banques régionales africaines, un appui technique mieux ciblé, et une volonté affichée de “coproduction des politiques économiques”. Mais beaucoup doutent encore. Comme le confiait récemment un haut responsable ouest-africain sous couvert d’anonymat : « Nous voulons un FMI partenaire, pas un tuteur. »

 

Derrière les discours polis et les communiqués équilibrés, le véritable enjeu est celui de la souveraineté économique africaine. Le Caucus africain veut peser, le FMI veut coopérer, mais chacun avance avec ses priorités. Entre promesses de réformes, conditions inchangées et zones d’ombre persistantes, ce nouveau contrat moral ressemble encore à un dialogue prudent entre un continent impatient et une institution qui apprend, lentement, à écouter.