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  • 28/08/2025

Énergie solaire : L’Afrique bâtit une filière stratégique pour réduire sa dépendance

L’Afrique n’est plus seulement un terrain d’expérimentation pour les énergies renouvelables. En un an, ses importations de panneaux solaires ont bondi de 60%, atteignant 15 GW entre juillet 2024 et juin 2025, tandis qu’une industrie locale émerge timidement avec des ambitions industrielles inédites. Pour un continent qui concentre 60% du meilleur ensoleillement mondial, la révolution solaire n’est plus une promesse : elle devient une bataille économique et stratégique.

 

Une industrie locale encore fragile, mais en plein essor

 

Selon Sinovoltaics, l’Afrique compte déjà une part significative des 3,4 GW de modules, 2,5 GW de cellules et 8 GW de lingots produits entre le Moyen-Orient et le continent. Des chiffres encore modestes, mais qui marquent la naissance d’une filière industrielle longtemps jugée inaccessible. Les projections annoncent 62 GW de modules et 52 GW de cellules d’ici 2030, avec un objectif clair : intégrer toute la chaîne de valeur, de la matière première aux panneaux finis, pour réduire une dépendance quasi totale à la Chine.

 

Trois locomotives continentales

 

Trois pays tirent cette dynamique. Le Maroc, devenu hub solaire grâce au méga-projet Noor et au soutien d’investisseurs du Golfe, a doublé sa production à 1 GW par an. L’Égypte mise sur son complexe de Benban (1,8 GW) et attire des projets géants comme EliTe Solar (3 GW dès 2025) ou Masdar (4 GW), transformant Le Caire en futur pilier régional. Au sud, l’Afrique du Sud capitalise sur son programme REIPPPP et la capacité d’ARTsolar pour sécuriser son réseau électrique fragilisé. Chacun avance avec des motivations différentes — exportation vers l’Europe, stratégie industrielle ou sécurité énergétique — mais tous partagent la même volonté : bâtir une souveraineté solaire.

 

Une transition portée par la demande locale

 

La capacité installée dépasse désormais 20 GW, avec 10 GW supplémentaires en construction. La Zambie, le Botswana et d’autres pays d’Afrique australe s’ajoutent à la dynamique. L’Algérie illustre la vitesse de la transition : ses importations de panneaux ont été multipliées par 33 en un an. Le marché africain pourrait bondir de 42% dès 2025, selon le Global Solar Council, avec 23 GW supplémentaires attendus d’ici 2028.

 

Des opportunités mais aussi des obstacles

 

Cette croissance crée des emplois dans la fabrication, la maintenance et l’ingénierie, mais elle se heurte à des défis structurels. Les infrastructures électriques restent insuffisantes, les coûts de financement sont parmi les plus élevés au monde et la production locale se limite souvent à l’assemblage. « Cette expansion comble des déficits d’approvisionnement régionaux, mais des goulots logistiques persistent », souligne Dricus de Rooij, PDG de Sinovoltaics.

 

L’Afrique dans le jeu mondial

 

Si le continent parvient à consolider sa filière, il pourrait non seulement satisfaire une demande locale croissante mais aussi exporter vers l’Europe, en quête d’alternatives à la domination chinoise. L’ensoleillement abondant, la proximité géographique et la montée en puissance de ses champions régionaux offrent à l’Afrique une fenêtre unique pour s’imposer dans la transition énergétique mondiale.

 

L’Afrique n’assiste plus à la révolution solaire, elle en devient actrice. Mais entre ambitions industrielles et contraintes structurelles, le défi est de transformer son potentiel solaire exceptionnel en véritable souveraineté énergétique. Les cinq prochaines années seront le véritable test de ce pari historique.