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  • 03/07/2025

Ghana : l’addition salée des dérives budgétaires en 2024


Malgré le soutien du Fonds monétaire international (FMI) et des efforts affichés pour stabiliser l’économie, le Ghana a connu en 2024 une aggravation de ses déséquilibres budgétaires. Le rapport annuel consolidé sur la performance du budget, publié par le ministère des Finances, révèle des chiffres préoccupants et invite à une remise en question profonde de la gestion des finances publiques.

Une reprise fragile dans un contexte post-crise

L’année 2024 s’ouvrait sur des espoirs de redressement après une période marquée par des secousses économiques mondiales. Mais pour le Ghana, la reprise est restée incomplète. L’économie nationale sortait affaiblie de plusieurs années de turbulences : inflation galopante, chute de la monnaie, taux d’intérêt prohibitifs et rareté du crédit. Face à cette détérioration sans précédent, le pays avait sollicité l’assistance du FMI à travers une Facilité élargie de crédit (FEC), tout en procédant à une restructuration douloureuse de sa dette intérieure et extérieure.

Dans un tel contexte, l’année 2024, marquée par des échéances électorales, représentait un tournant stratégique. Le gouvernement s’était fixé des objectifs clairs : restaurer la viabilité budgétaire et rétablir la crédibilité économique du pays. Mais le rapport budgétaire montre que ces intentions, bien que sincères, se sont heurtées à une réalité plus complexe.

Des engagements contrariés par des dérapages persistants

Malgré les engagements pris dans le cadre du programme du FMI, les fondamentaux économiques n’ont pas connu l’amélioration espérée. « Malgré les progrès réalisés dans le cadre du programme du FMI, l’environnement macroéconomique est resté fragile », concède le ministère des Finances.

La situation budgétaire s’est en effet détériorée. Le déficit primaire, qui mesure l’écart entre les recettes et les dépenses publiques hors service de la dette, s’est accentué. Signe encore plus alarmant : les arriérés du gouvernement central ont atteint 67,5 milliards de cedis ghanéens, soit 5,7% du produit intérieur brut (PIB). Un niveau qui met en lumière l’ampleur des engagements non honorés de l’État et les difficultés à contenir les dépenses dans un contexte de recettes insuffisantes.

L’urgence d’une culture de discipline budgétaire

Ce rapport annuel, exigé par la loi de 2016 sur la gestion des finances publiques (loi 921), apparaît plus que jamais comme un outil essentiel pour comprendre les dérives passées et redéfinir les priorités. Il ne s’agit pas simplement d’un exercice légal, mais d’un instrument de pilotage et de reddition des comptes.

« Le RAB (Rapport Annuel sur l’Exécution du Budget (en anglais : Annual Budget Performance Report ou ABPR), ndlr) nous permet d’évaluer la performance et l’impact de nos choix politiques et de prendre des mesures correctives si nécessaire », souligne le ministère. À travers cet exercice, le gouvernement reconnaît implicitement les erreurs du passé et affiche sa volonté de bâtir une nouvelle approche. « Nous devons, et nous le ferons, bâtir une nouvelle culture qui favorise et soutient la discipline budgétaire », affirme-t-il.

Mais si l’intention est affichée, les mécanismes concrets pour instaurer cette discipline ne sont pas encore clairement exposés.

Gouvernance budgétaire : des engagements à tenir

Le rapport s’inscrit aussi dans une logique de transparence vis-à-vis des institutions de contrôle. Il annonce des mises à jour sur les actions entreprises pour appliquer les recommandations du Parlement, sur la base du rapport du Vérificateur général. Il en va de même pour les dépenses pluriannuelles engagées en 2024, qui seront également suivies.

Il s’agit là d’un point de vigilance important, dans un pays où les engagements budgétaires sur plusieurs années peuvent devenir sources de dérives si elles ne sont pas correctement encadrées.

Une coopération administrative mise en avant

Le ministère des Finances n’a pas manqué de saluer les efforts des ministères, départements et agences qui ont participé à la collecte et la validation des données. Il a aussi mis en avant l’implication de son propre personnel dans l’élaboration du rapport. « Votre professionnalisme et votre engagement envers la cause nationale sont vraiment appréciables », souligne le document.

Ce message vise à souligner la cohésion administrative autour de cet exercice, mais ne doit pas occulter les insuffisances de coordination budgétaire qui ont pu contribuer à l’augmentation des arriérés.

Un tournant à ne pas manquer

Alors que le pays entre dans une nouvelle phase politique et économique, les enseignements de 2024 devraient servir de base à une relance plus rigoureuse. « Une nouvelle ère s’ouvre à nous. Nous avons une formidable opportunité de réécrire notre histoire économique récente sous un jour positif », conclut le ministère.

Encore faut-il que cette volonté de changement se traduise dans les faits. La rigueur budgétaire, longtemps évoquée, devra désormais devenir un pilier central de la gouvernance publique, sous peine de replonger le Ghana dans une instabilité chronique.

Le rapport complet est disponible sur la Plateforme du droit à l'information du ministère des Finances.

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