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  • 11/06/2025

Economie : À Accra, les États africains posent les jalons d’une diplomatie collective de la dette

Face aux risques de surendettement, la Banque africaine de développement accompagne une dynamique continentale de réforme et de coordination des emprunteurs.

Alors que de nombreux pays africains restent confrontés à une pression croissante sur leur dette souveraine, une nouvelle impulsion se dessine pour bâtir une réponse collective, coordonnée et durable. Du 30 juin au 4 juillet 2025, une session de formation sur la gestion de la dette publique s’est tenue à Accra, au Ghana. Cette rencontre a été organisée par l’Institut africain de développement (IAD), à travers son Académie de gestion des finances publiques pour l’Afrique (PFMA), dans le cadre du programme « Spotlight PFMA » lancé en 2024.

Elle s’adressait principalement aux États dits « en transition », c’est-à-dire les pays confrontés à de multiples vulnérabilités – économiques, politiques, sécuritaires – et en quête d’une plus grande stabilité budgétaire. Au-delà de l’aspect pédagogique, cette formation a permis un échange approfondi d’expériences entre pays africains. L’accent a été mis sur la nécessité de renforcer la transparence, d’améliorer la capacité de négociation des prêts et de prévenir les situations de surendettement grâce à des réformes adaptées.

Le cas du Ghana a été largement salué. Bien que ne faisant pas partie des pays en transition, le pays a été cité comme exemple pour sa gestion proactive de la dette et la rapidité de ses réformes. Selon le vice-ministre des Finances, Thomas Nyarko Ampem, le Ghana a connu « l’une des améliorations de sa note de crédit les plus rapides après une restructuration de sa dette ». Cette performance a permis au pays de « rétablir plus tôt que prévu l’accès aux marchés internationaux », un des objectifs majeurs du programme appuyé par le FMI.

Sur le plan macroéconomique, les résultats sont notables. Le PIB a progressé de 5,3% au premier trimestre 2025, au-dessus de l’objectif annuel fixé à 4%. L’inflation a reculé à son plus bas niveau depuis 2022, tandis que les indicateurs de confiance des consommateurs et des entreprises ont atteint des niveaux record en sept ans.

Autre fait marquant : la monnaie nationale, le cedi, est aujourd’hui classée comme la plus performante du monde. Ces résultats sont le fruit d’une discipline budgétaire renforcée, illustrée notamment par l’interdiction d’engager toute dépense ou emprunt sans l’aval du ministre des Finances.

La Zambie, elle aussi, a été présentée comme un cas d’école. Le pays a récemment adopté une loi instaurant un Département de gestion de la dette, renforçant ainsi le pilotage institutionnel de son endettement public. Elle figure parmi les pays africains ayant engagé une restructuration de leur dette dans le cadre du Cadre commun du G20, aux côtés du Ghana, du Tchad et de l’Éthiopie. Ces efforts illustrent une volonté croissante de certains États d’assainir leurs finances publiques de manière durable.

Mais ce sont aussi des pays à plus faible capacité institutionnelle qui ont marqué les esprits. En Sierra Leone, l’apurement des arriérés et la transparence accrue dans la gestion de la dette ont favorisé une nette amélioration du climat économique.

L’inflation, qui culminait à 52% fin 2023, est tombée à environ 7,5% en avril 2025. Une baisse significative qui reflète le retour de la confiance et l’efficacité de la stratégie de redressement. La Gambie a elle aussi enregistré des résultats probants. Grâce à une politique budgétaire prudente et des évaluations régulières de viabilité de la dette, le pays a ramené son ratio dette/PIB de plus de 120% en 2017 à 74% fin 2024.

Ces performances démontrent que les réformes produisent des effets, même dans des contextes fragiles. Elles ont aussi nourri une réflexion plus large sur la manière dont les États africains peuvent mieux se défendre face aux créanciers.

C’est dans ce contexte que l’idée d’un « Club d’Accra » a émergé. Cette plateforme proposerait un cadre de coordination des positions entre pays emprunteurs africains, à l’image de ce que représentent les Clubs de Paris ou de Londres pour les créanciers. Un tel regroupement permettrait aux États africains d’aligner leurs stratégies, de parler d’une seule voix et de renforcer leur pouvoir de négociation dans les discussions multilatérales.

La création de mécanismes d’alerte précoce en cas de surendettement a également été évoquée. L’enjeu : permettre une détection rapide des risques et une gestion plus anticipée des tensions budgétaires. Une telle approche préventive viendrait compléter les efforts de renforcement des capacités institutionnelles engagés dans de nombreux pays.

La Banque africaine de développement entend jouer un rôle central dans cet écosystème. À travers l’IAD, elle multiplie les initiatives pour accompagner les réformes de gouvernance financière sur le continent. En plus du programme Spotlight, la Banque soutient le réseau ADMIN (Initiative des gestionnaires de la dette), le Forum sur la gestion de la dette en Afrique (DeMFA), et l’Académie PFMA. L’ensemble vise à bâtir une culture budgétaire solide, portée par des compétences locales.

« Les pays africains ont des solutions à la plupart des problèmes auxquels ils sont confrontés, mais nous devons nous recentrer sur nous-mêmes », a souligné le Dr Eric Ogunleye, directeur de l’Institut africain de développement. Et de conclure : « La Banque africaine de développement est votre banque. Nous sommes prêts à collaborer avec tous les partenaires… pour obtenir un impact et des résultats durables. »

La réunion d’Accra aura donc marqué un tournant, non par ses annonces, mais par sa volonté affichée de poser les bases d’une diplomatie africaine de la dette. Une diplomatie pensée par les Africains, pour les Africains, et capable de défendre plus efficacement les intérêts du continent sur la scène financière internationale.
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