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  • 17/07/2025

« L’Afrique de l’Ouest dispose des ressources nécessaires pour une base industrielle solide » Olivier Buyoya, directeur pour l’Afrique de l’Ouest de la SFI (Partie 2)

Vous accompagnez surtout le secteur privé. Or la situation varie selon les pays : certains comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal sont plus stables, d’autres sont classés fragiles. Comment la SFI agit-elle dans ces contextes plus complexes ?

C’est vrai, la stabilité macroéconomique et politique favorise l’émergence d’un secteur privé fort. Mais il faut souligner la résilience du secteur privé dans des pays fragiles comme le Mali, le Burkina Faso ou le Niger.

Malgré les défis sécuritaires, nous observons une forte activité, notamment dans l’agro-industrie ou la transformation des produits agricoles. Ce sont souvent des investisseurs locaux ou régionaux qui s’engagent. Ces pays ont aussi un fort potentiel minier. Et même si l’insécurité freine les investisseurs internationaux, le secteur privé local continue à se développer.

Les freins sont les mêmes qu’ailleurs : accès à l’énergie, infrastructures, climat des affaires, formation. Ces pays sont enclavés, ce qui complique encore les choses. La réhabilitation de certaines liaisons, comme le chemin de fer Dakar-Bamako, aurait un impact considérable.

Et il ne faut pas sous-estimer le dynamisme de certains entrepreneurs sahéliens, qui investissent également dans d'autres pays de la région. Cela montre que le potentiel existe, même dans les contextes les plus difficiles.

Nous sommes aussi dans un contexte où les financements publics internationaux se raréfient. L’aide se transforme, les États-Unis ou l’Europe réorientent leur coopération. Comment la SFI anticipe-t-elle ces changements et leurs impacts sur ses activités en Afrique de l’Ouest ?

En effet, plusieurs changements structurants affectent aujourd’hui la coopération mondiale. On peut d’abord mentionner les décisions récentes des États-Unis en matière de politique commerciale – notamment l’augmentation des tarifs douaniers – qui ont un impact global, et potentiellement, des effets sur notre région.

Certains pays africains bénéficient actuellement d’un accès préférentiel au marché américain, à travers des dispositifs comme l’AGOA. Mais si ces avantages venaient à être remis en question, cela affecterait la compétitivité de nos exportations. C’est une nouvelle donne qu’il faut anticiper.

Par ailleurs, on observe une réduction progressive de ce qu’on appelle l’aide au développement. Cela a commencé avec les États-Unis, mais un effet domino est en cours : plusieurs pays donateurs révisent à la baisse leurs contributions. Heureusement, à ce jour, les financements concessionnels que nous mobilisons à la SFI n’ont pas été fortement impactés. La majorité de nos ressources proviennent des marchés de capitaux grâce à notre notation AAA, ce qui nous permet de continuer à financer nos opérations.

Mais pour les pays d’Afrique de l’Ouest, ces évolutions appellent à une adaptation. C’est peut-être le bon moment pour accélérer l’intégration économique régionale, en misant davantage sur le marché continental via la mise en œuvre effective de la ZLECAf. Cela pourrait compenser une éventuelle réduction d’accès aux marchés extérieurs.

C’est aussi l’opportunité d’explorer davantage les financements privés et les marchés de capitaux pour pallier le retrait progressif de certains guichets publics. L’Afrique est aujourd’hui moins intégrée au commerce mondial que d’autres régions, ce qui limite l’impact immédiat. Mais cela nous donne aussi une marge pour développer des réponses endogènes, centrées sur nos propres forces et nos marchés.

Vous financez de nombreuses FinTech. Quel rôle jouent-elles, avec les nouvelles technologies, dans la dynamisation du tissu industriel ouest-africain ?

C’est un axe important de notre stratégie. Nous investissons massivement dans des fonds dédiés aux start-up technologiques – qu’il s’agisse de FinTech, AgriTech, HealthTech ou autres – car ces entreprises apportent des solutions concrètes à des problèmes structurels.

Prenons l’agriculture. Si l’Afrique de l’Ouest reste en retard sur l’agro-industrie, c’est en grande partie à cause d’un manque de coordination entre production agricole et transformation. Ce n’est pas un problème de terres ou d’eau, mais de productivité : les exploitations agricoles sont petites, peu mécanisées, et peu accompagnées.

Les AgriTech, grâce à la technologie, permettent d’apporter des services d’extension agricole, de conseil, et d’appui aux producteurs. Cela améliore les rendements, stabilise la qualité et la quantité des matières premières, et sécurise ainsi l’approvisionnement pour l’industriel.

En parallèle, les FinTech réduisent les délais de paiement dans les chaînes de valeur. Par exemple, une PME qui vend à une grande entreprise et attend 60 jours pour être payée peut, grâce à la FinTech, accéder plus rapidement à un financement de son besoin en fonds de roulement. Cela fluidifie les échanges entre les maillons de la chaîne.

Ces technologies agissent donc comme des « tuyaux » qui accélèrent la circulation de l’élément le plus vital : le cash. Elles jouent un rôle d’accélérateur de productivité, de compétitivité, et permettent à nos économies de rattraper plus vite leur retard.

Dernière question. Face à l’urgence climatique, comment la SFI intègre-t-elle les considérations de durabilité dans ses investissements en Afrique de l’Ouest ?

La durabilité est au cœur de notre stratégie. L’Afrique de l’Ouest subit déjà les effets du changement climatique, de façon concrète : inondations, sécheresses, parfois les deux au cours d’une même année. Ce n’est pas une question théorique, c’est une réalité que nous constatons sur le terrain.

C’est pourquoi nous ne finançons que des projets portés par des clients qui partagent cette vision. Et au-delà du climat, la durabilité représente aussi une opportunité économique. Lorsqu’on accompagne une chaîne de valeur industrielle ou minière, nous encourageons fortement le recours à des sources d’énergie renouvelable, comme le solaire, qui permettent non seulement de réduire l’empreinte carbone, mais aussi de faire baisser significativement les coûts.

Aujourd’hui, grâce aux progrès technologiques, il est possible d’avoir un mix énergétique compétitif tout en étant respectueux de l’environnement. Et cela devient un avantage économique, pas seulement une exigence réglementaire.

Avant de financer un projet, nous procédons à une évaluation environnementale et sociale approfondie : impact sur les communautés, gestion des déchets, efficacité énergétique, gestion de la pollution, etc. Nos clients apprécient cet accompagnement, car ils comprennent que c’est une approche qui renforce la viabilité de leurs projets à long terme. Ce n’est pas du dogmatisme, c’est du bon sens économique.

Avec Agence ecofin 

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