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  • 30/07/2025

Mali – Nouveau code minier : Les petits producteurs cèdent, les géants contre-attaquent

Le bras de fer entre l’État malien et les compagnies minières se poursuit, mais les lignes commencent à bouger. Alors que certains opérateurs mineurs acceptent de se plier au nouveau Code minier, les géants du secteur restent en guerre ouverte avec Bamako. Décryptage.

 

Une réforme ambitieuse… et clivante

 

Adopté en août 2023, le nouveau Code minier du Mali bouleverse la donne dans un secteur vital pour l’économie nationale. L’objectif est clair : reprendre le contrôle sur les ressources aurifères, en augmentant les taxes et en renforçant la participation de l’État dans les projets miniers.

 

Le texte prévoit notamment :


- Une royalty sur l’or portée à 10,5%, contre 6% auparavant.


- Une participation gratuite et non diluable de l’État à hauteur de 10%, avec option d’achat de 20% supplémentaires.


- L’obligation de transformer les minerais sur le territoire national.


- L’instauration de fonds miniers dédiés au développement local.

 

Cette réforme, saluée par certains comme un acte de souveraineté économique, a toutefois provoqué un choc dans les milieux d’affaires.

 

Premiers ralliements sous contrainte

 

Dans une annonce faite le 29 juillet 2025 à la télévision d’État, le ministre des Finances Alousseni Sanou et son collègue des Mines ont révélé la signature de trois protocoles d’accord avec :


- Somika SA, détenue à 80% par Endeavour Mining ;


- Faboula Gold ;


- Bagama Mining.

 

Ces entreprises ont accepté de se conformer aux exigences du nouveau Code, en échange d’un cadre réglementaire stabilisé pour leurs projets.

 

Selon le ministre, la Somika prévoit un chiffre d’affaires annuel de 135 milliards FCFA pour une durée de vie de 10 ans, tandis que Faboula et Bagama tablent respectivement sur 50 et 75 milliards FCFA sur cinq ans. En tout, environ 6 000 emplois directs sont annoncés.

 

Des concessions peu significatives ?

 

Mais derrière l’annonce politique, la portée économique reste modeste. Les trois entreprises concernées ne représentent qu’une infime part de la production nationale. Faboula et Bagama, par exemple, ne produisaient que 500 kg d’or chacune par an depuis 2021, selon Reuters. La Somika, elle, n’a pas encore commencé à extraire le moindre gramme.

 

Pour plusieurs analystes, ces signatures relèvent surtout de la communication politique. Elles permettent de montrer que le Code est “applicable”, mais ne règlent pas le fond du conflit.

 

Les majors résistent

 

Le vrai nœud du problème, c’est Barrick Gold, principal producteur d’or du Mali. Depuis janvier 2025, l’entreprise canadienne est en conflit ouvert avec le gouvernement. L’État a bloqué ses exportations, arrêté plusieurs de ses dirigeants et saisi trois tonnes de lingots d’or, selon une dépêche de Reuters du 30 juillet 2025.

 

En réaction, Barrick a suspendu ses activités à Loulo-Gounkoto, l’une des plus grandes mines d’Afrique, et a saisi le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), un organe rattaché à la Banque mondiale.

 

“Le Mali devient l’un des pays les plus coûteux au monde pour extraire de l’or”, a déclaré Mark Bristow, PDG de Barrick, dans une interview à Bloomberg en février 2024. “C’est un frein majeur à la compétitivité.”

 

Une stratégie risquée pour Bamako ?

 

D’un côté, le gouvernement de transition mise sur une reprise du contrôle économique, dans un contexte géopolitique marqué par la rupture avec la France et le retrait de la MINUSMA. De l’autre, cette approche inquiète les investisseurs étrangers, qui voient dans ce Code une forme de nationalisation rampante.

 

En 2024, la production aurifère du pays a chuté de 23%, à 51 tonnes, selon les chiffres du ministère des Mines.

 

Ce recul s’explique en partie par la frilosité des investisseurs, mais aussi par les tensions croissantes entre autorités et opérateurs miniers, selon le cabinet canadien S&P Global.

 

Un pari sur le long terme ?

 

Le nouveau Code minier pourrait générer, selon les estimations du ministère des Finances, plus de 600 milliards FCFA de recettes fiscales supplémentaires par an. Il prévoit également le financement de fonds pour les infrastructures locales, la formation, et la réhabilitation des sites miniers artisanaux.

 

Mais encore faut-il que la machine suive : les capacités locales de raffinage sont quasi inexistantes, et le tissu industriel malien peine à répondre aux exigences de contenu local.

 

Bras de fer ou bras tendu ?

 

Pour l’instant, l’État malien gagne la bataille symbolique, mais la guerre économique reste ouverte. Le soutien de petits producteurs est utile pour la propagande, mais la reprise réelle de l’investissement dépendra du sort réservé aux grands acteurs comme Barrick et Resolute Mining.

 

À trop vouloir renverser la table, le Mali prend le risque de s’isoler davantage sur les marchés internationaux. Mais à défaut de compromis, la réforme risque aussi de s’enliser dans une impasse juridico-politique aux conséquences durables pour l’économie.