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  • 16/12/2025

Marchés boursiers africains : 220 milliards $ de capitaux propres levés en 25 ans par les entreprises locales (OCDE)


Les entreprises africaines ont levé environ 220 milliards USD de capitaux propres sur les marchés boursiers locaux au cours des 25 dernières années, soit 1 % seulement de la valeur totale des fonds propres levés dans le monde et 3 % de celle captée par les entreprises des marchés émergents. C'est ce qu'indique un rapport publié le mardi 18 novembre par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Ce « Rapport sur les marchés de capitaux en Afrique 2025 » indique aussi que les marchés d’actions africains ont progressé entre 2000 et 2024, la capitalisation boursière ayant été multipliée par 27, pour atteindre 560 milliards USD. L’activité sur ces marchés reste cependant très concentrée, l’Afrique du Sud, l’Égypte et le Nigeria rassemblant à eux trois plus de 80 % de la capitalisation boursière totale. Les volumes d’échanges demeurent globalement faibles et concentrés sur quelques grandes entreprises, en partie en raison du coût élevé des opérations.

L’encours de la dette d’entreprise sous forme d’obligations et de prêts syndiqués reste quant à lui modeste dans les pays africains, tant en pourcentage du PIB qu’en valeur absolue, comparé aux moyennes mondiales. Cet encours a diminué au cours des dernières années, passant d’environ 230 milliards USD en 2020 à 180 milliards USD en 2024, ce qui représente à peine 1 % de la dette mondiale des entreprises et environ 5 % de celle des marchés émergents. 

De plus, quatre économies (Afrique du Sud, Égypte, Nigeria et République de Maurice) détiennent à elles seules environ 60 % de l’encours total sur le continent, illustrant une concentration de l’endettement des entreprises sur quelques marchés financiers développés, et plus généralement le lien entre la profondeur des marchés de la dette des entreprises et le niveau de développement économique et financier.

Ces tendances confirment que l’accès limité aux financements représente un obstacle de taille à la croissance des entreprises dans de nombreux pays africains. Dans les 23 pays du continent couverts par la dernière enquête de la Banque mondiale sur les entreprises, l’accès au financement était cité comme le principal obstacle à la conduite de leurs activités par 31 % des entreprises interrogées, soit près de trois fois plus fréquemment que l’obstacle suivant, la fiscalité, et bien plus que la moyenne mondiale pour cette catégorie (17 %).

La dette souveraine évince le crédit au secteur privé

Dans ce contexte, le financement interne constitue la principale source de financement des entreprises dans les pays africains. S’agissant des sources externes, les prêts bancaires occupent de loin la première place dans de nombreux pays, notamment la République mauricienne, la Namibie, la Côte d’Ivoire, le Botswana et l’Afrique du Sud, tandis que dans d’autres pays, les sources sont plus équilibrées.

Mais si les banques jouent un rôle important dans le financement des entreprises, les caractéristiques structurelles de leurs prêts entravent souvent l’accès aux financements. Par exemple, les exigences telles que les garanties et les antécédents financiers excluent une grande partie des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) des systèmes de crédit formel, bien que cette catégorie d’entreprises pourvoit environ 80 % de l’emploi en Afrique.

En outre, l’augmentation des émissions souveraines évince souvent le crédit privé. Les instruments de dette souveraine constituent un actif plus sûr et plus attractif pour les banques que les prêts au secteur privé, en raison de risques généralement moindres et d’un marché secondaire plus liquide. Dans la région, l’exposition des banques au secteur public a ainsi augmenté de près de 70 % entre 2010 et 2023, ce qui a causé un recul des prêts bancaires consentis au secteur privé au cours de la même période.

Le rapport fait remarquer d’autre part que les pays africains demeurent exposés à un risque de change élevé, une grande partie de la dette des entreprises et de la dette souveraine étant libellée en devises, contrairement à la plupart des économies avancées. Cette situation tient de la faiblesse et la fragmentation générales des cadres réglementaires et des infrastructures de marché, d'une forte dépendance à l’égard des capitaux étrangers, et du sous-développement des investisseurs institutionnels nationaux.

Les compagnies d’assurance et les fonds de pension jouent en effet un rôle marginal en tant qu’investisseurs institutionnels dans la plupart des pays africains. Le taux de pénétration de l’assurance, qui s’établit à 3,5 % du PIB, est inférieur de moitié à la moyenne mondiale. Le niveau des actifs des fonds de pension est également plus faible, représentant 23 % du PIB contre 34 % à l’échelle planétaire. La modeste taille des actifs de ces investisseurs, couplée à une allocation fortement axée sur les titres d’État, limite leur capacité à fournir des capitaux stables à l’économie réelle. Pour les fonds de pension, la faiblesse des revenus et le niveau élevé de l’emploi informel constituent des contraintes supplémentaires.

Attirer plus d’émetteurs et élargir la base d'investisseurs

Pour améliorer le rôle des marchés des capitaux dans le financement des entreprises en Afrique, le rapport de l'OCDE recommande aux pouvoirs publics de prendre de nouvelles mesures pour y renforcer l’activité. Il préconise notamment la mise en place de cadres d’admission à la cote flexibles, et l’amélioration de la transparence pour attirer un plus grand nombre d’émetteurs. Des cadres réglementaires solides et transparents sont aussi nécessaires pour renforcer le rôle des investisseurs institutionnels.

L'organisation recommande aussi de renforcer la protection des intérêts des assurés, d'accroître la participation aux régimes de retraite par une adhésion automatique, de promouvoir la diversification des portefeuilles et de faciliter les investissements à long terme, comme mesures envisageables. La transition numérique des infrastructures de négociation et une intégration plus poussée des marchés financiers régionaux pourraient aussi permettre de renforcer le réseau de courtiers, de favoriser l’activité transnationale, d'élargir le vivier d'investisseurs et de réduire les coûts opérationnels.

Des initiatives similaires au projet de liaison des bourses africaines, qui connecte dix grandes bourses représentant 90 % de la capitalisation boursière du continent (1500 milliards USD), devraient être étendues afin d’approfondir l’intégration des marchés.

Une plus grande indépendance des Conseils d’administration et une meilleure protection des actionnaires minoritaires renforceraient également la confiance des investisseurs. L’intégration de réformes de gouvernance des entreprises publiques dans des stratégies globales de développement des marchés est aussi préconisée. Dans ce cadre, l’adoption récente des « Principes africains de gouvernance d’entreprise » et la mise à jour des normes internationales de gouvernance d’entreprise offrent une occasion d’améliorer les procédés en la matière.

Sur un autre plan, les gouvernements africains gagneraient à procéder à une gestion prudente de la dette et à recourir davantage aux obligations libellées en monnaie locale. Cela d’autant plus que le développement des marchés d’obligations d’État en monnaie locale peut, à long terme, créer un cercle vertueux pour le développement du marché des capitaux au sens large, contribuant tant à la demande des investisseurs qu'à la liquidité.

Avec Agence Ecofin