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  • 09/12/2025

Or, spéculation et volatilité : Un tournant à surveiller pour les marchés africains

La montée fulgurante du prix de l’or, observée ces derniers mois, n’est pas qu’un épisode de plus dans l’histoire mouvementée du métal jaune. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), cette flambée révèle un changement profond : l’or, traditionnel refuge en période d’incertitude, se comporte désormais comme un actif spéculatif, dopé par l’appétit croissant des investisseurs particuliers. Une mutation qui rebat les cartes jusque sur les marchés africains, premier continent producteur de ce précieux métal.

 

Depuis le début du mois de septembre, les cours ont progressé d’environ 20%. La BRI explique que cette dynamique a certes été initiée par des investisseurs institutionnels en quête de sécurité face aux doutes liés aux valorisations boursières, mais elle a surtout été amplifiée par une vague d’achats opportunistes d’investisseurs individuels séduits par l’engouement médiatique autour de l’or. Une situation qui, selon l’institution basée à Bâle, rompt nettement avec les schémas historiques : le métal jaune évolue désormais comme un actif risqué, montant en même temps que les actions.

 

Ce phénomène est d’autant plus singulier qu’il s’inscrit dans un contexte de reprise des marchés actions, portés notamment par les valeurs technologiques et l’intelligence artificielle, malgré des inquiétudes persistantes sur les valorisations. Pour la BRI, c’est la première fois en cinquante ans que l’or et les actions entrent simultanément dans ce qu’elle qualifie de « territoire explosif », une zone où les hausses rapides peuvent déboucher sur des corrections brusques, comme ce fut le cas en 1980.

 

Pour les économies africaines, ce retournement de perception autour de l’or soulève des enjeux majeurs. Premier fournisseur mondial via des pays comme l’Afrique du Sud, le Ghana, le Mali, le Burkina Faso ou encore la RDC, le continent reste très dépendant des recettes minières et des fluctuations de prix. Une hausse rapide des cours peut, à court terme, gonfler les revenus d’exportation et offrir un répit budgétaire. Mais une dynamique spéculative accroît la volatilité et expose les États à des retournements soudains susceptibles de fragiliser les projections de recettes, les budgets publics et les investissements dans la chaîne de valeur aurifère.

 

Dans le même temps, la BRI relève que plusieurs économies avancées ont massivement émis de la dette entre septembre et novembre, perturbant les marchés obligataires et supprimant ce qu’on appelait jusqu’ici la « marge de commodité » liée à la sécurité des obligations d’État. Une évolution qui pourrait aussi influencer les flux financiers vers les pays africains, déjà confrontés à un coût de financement élevé.

 

L’Afrique observe donc la flambée du métal jaune avec un mélange d’opportunisme et de prudence. L’or, pilier historique de plusieurs économies du continent, se retrouve pris dans une dynamique mondiale de plus en plus nerveuse. Dans ce nouvel environnement où même les valeurs refuges se comportement comme des paris, la question pour les États africains sera de transformer cette volatilité en stratégie : sécuriser les recettes, stabiliser les budgets et renforcer les filières locales pour ne plus dépendre uniquement des mouvements d’humeur des marchés internationaux.