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  • 29/07/2025

RDC : Réformer les incitations fiscales pour une croissance plus inclusive

La République démocratique du Congo (RDC) enregistre une croissance économique soutenue, mais peine toujours à transformer cet élan en progrès social tangible. Selon la Banque mondiale, cette dynamique ne pourra se poursuivre durablement sans une révision en profondeur des incitations fiscales, dont le coût élevé compromet les capacités budgétaires de l’État.

 

Une croissance robuste… mais peu redistributive

 

Avec un taux de croissance de 6,5% en 2024, l’économie congolaise reste parmi les plus dynamiques d’Afrique subsaharienne. Ce résultat est largement porté par le secteur minier, en particulier la production de cuivre et de cobalt, deux ressources stratégiques pour la transition énergétique mondiale. Toutefois, cette performance masque des fragilités persistantes : la pauvreté reste structurelle, l’emploi peine à décoller, et les inégalités demeurent criantes.

 

La stabilité macroéconomique reste un point fort. Grâce à une gestion budgétaire prudente et à l’absence de financement monétaire des déficits, l’inflation, bien qu’élevée, a reculé à 8,6% en juin 2025, selon les dernières données officielles.

 

Un système fiscal sous tension

 

Dans sa Mise à jour économique sur la RDC publiée le 28 juillet 2025, la Banque mondiale met en lumière un déséquilibre préoccupant : les recettes fiscales représentent à peine 12,5% du PIB, contre une moyenne régionale de 16%. Un écart qui réduit considérablement les marges de manœuvre du gouvernement pour financer les services sociaux et les infrastructures.

 

Ce manque de ressources est en grande partie lié aux incitations fiscales accordées aux entreprises, souvent sous forme d’exonérations ou de régimes spéciaux. Le rapport estime leur coût à environ 5% du PIB, soit l’équivalent d’un tiers des recettes fiscales nationales ou trois fois le budget de la santé.

 

Des avantages peu efficaces

 

Ces dispositifs fiscaux, initialement pensés pour attirer les investissements, ne semblent pas remplir leur promesse en matière de développement. « Ces mesures n’apportent que des avantages minimes aux ménages vulnérables », note le rapport, qui dénonce leur inefficacité redistributive et leur faible impact sur l’emploi.

 

En outre, ces exonérations bénéficient majoritairement aux grandes entreprises, souvent étrangères, dans les secteurs extractifs. Elles sont rarement soumises à des évaluations d’impact et manquent de transparence, ce qui alimente une méfiance croissante sur leur utilité réelle pour l’économie congolaise.

 

Les pistes d’une réforme fiscale plus efficace

 

Face à ce constat, la Banque mondiale appelle à une refonte du cadre fiscal congolais. Parmi les principales recommandations :

 

-      Remplacer les incitations fiscales basées sur les bénéfices — facilement contournables — par des incitations fondées sur les coûts réels d’investissement ;

 

-      Simplifier et harmoniser les taux d’imposition, afin de réduire les distorsions et améliorer la lisibilité du système ;

 

-      Renforcer la transparence, en rendant publiques les exonérations accordées et en instaurant des mécanismes d’évaluation systématique.

 

« La RDC dispose d'un fort potentiel économique. Pour parvenir à une croissance inclusive et durable, le pays doit accroître ses recettes intérieures, rationaliser les incitations fiscales et privilégier les services sociaux et les investissements dans les infrastructures », souligne Albert Zeufack, directeur des opérations de la Banque mondiale pour la RDC.

 

Une réforme politiquement sensible

 

Rationaliser les incitations fiscales constitue toutefois un chantier sensible. De nombreux acteurs économiques y voient un avantage compétitif ou une compensation aux lourdeurs administratives et aux risques liés à l’environnement des affaires. Toute réforme devra donc s’accompagner d’un effort parallèle pour améliorer la qualité de la dépense publique, renforcer l'État de droit et assurer un climat propice à l’investissement productif.

 

La RDC ne pourra construire un modèle de développement plus équitable sans revoir sa politique d’incitations fiscales. Le défi est de taille, mais les gains attendus sont considérables : plus de recettes, plus de justice fiscale et plus de moyens pour financer la transformation structurelle du pays.