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  • 18/07/2025

Sénégal : 405 milliards FCFA levés à la BRVM, un record chargé d’enjeux

Le 17 juillet 2025, la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) à Abidjan a célébré un jalon historique. L’État du Sénégal a levé 405 milliards de FCFA à travers quatre emprunts obligataires, un montant record pour le marché financier de l’UEMOA.

 

Ces obligations, nommées « État du Sénégal 6,40% 2025-2028 », « 6,60% 2025-2030 », « 6,75% 2025-2032 » et « 6,95% 2025-2035 », ont été admises à la cote lors d’une cérémonie solennelle. Ce succès témoigne de la confiance des investisseurs, mais soulève des questions sur la gestion de la dette et l’avenir économique de la région. Pourquoi cette opération est-elle si significative ?

 

Une croissance fulgurante des financements régionaux

 

Le marché obligataire de l’UEMOA a parcouru un long chemin. « Le tout premier emprunt obligataire émis par un État de l’UEMOA sur le marché régional date de l’année 1999 », rappelle Dr Edoh Kossi Amenounve, Directeur Général de la BRVM. À l’époque, la Côte d’Ivoire avait levé 30 milliards FCFA. Depuis, les montants ont explosé : 160 milliards en 2011, 350 milliards en 2023 pour la Côte d’Ivoire, et désormais 405 milliards pour le Sénégal. En 25 ans, les levées de fonds ont progressé de 1 250%, signe d’un marché financier régional en pleine maturité.

 

Cette trajectoire ascendante reflète l’attractivité croissante de la BRVM. Les fonds levés par le Sénégal financeront des projets stratégiques, comme les infrastructures, la santé ou l’éducation. Mais ce record cache aussi des défis, notamment celui de la soutenabilité de la dette publique.

 

Gérer la dette : un défi pressant

 

La question de la dette préoccupe les experts. Dr Amenounve insiste sur « la nécessité d’encourager les États à mobiliser des ressources additionnelles à travers des mécanismes structurés et innovants ». Parmi les solutions envisagées, la cession partielle ou totale de parts dans des entreprises publiques, souvent héritées de décennies d’investissements étatiques, pourrait alléger la pression financière. De même, la titrisation – c’est-à-dire la transformation d’actifs immobiliers ou industriels en titres négociables – offrirait une alternative pour lever des fonds sans alourdir directement la dette.

 

Une autre idée audacieuse émerge : les obligations « zéro coupon » ou « in fine ». Ces titres, qui ne versent pas d’intérêts réguliers mais remboursent le capital à l’échéance, simplifient la gestion de la dette. « L’hypothèse de réinvestissement des coupons est forte en l’absence d’opportunités de placement », explique Dr Amenounve, soulignant leur attrait pour les investisseurs en quête de rentabilité. Ces pistes, si elles sont adoptées, pourraient transformer la manière dont les États financent leur développement.

 

Un marché financier au service du développement

 

Ce record s’inscrit dans une dynamique plus large. « C’est le symbole d’une Afrique dont les marchés s’approfondissent d’année en année pour offrir aux États et aux entreprises privées les ressources nécessaires », affirme Dr Amenounve. La BRVM, qui dessert les huit pays de l’UEMOA, devient un levier clé pour le développement régional. Les obligations sénégalaises, avec des maturités s’étendant jusqu’en 2035, attirent un large éventail d’investisseurs, des institutions aux particuliers, renforçant ainsi l’inclusion financière dans la région.

 

Cependant, ce succès ne doit pas occulter les limites structurelles. La dépendance aux emprunts obligataires expose les États à des risques si les recettes fiscales ne suivent pas. Pour le Sénégal, cette levée record devra se traduire en projets concrets, capables de stimuler la croissance et de réduire les inégalités.

 

Une réussite collective

 

Rien de tout cela n’aurait été possible sans une collaboration étroite. Dr Amenounve a salué « la vision et le leadership transformationnel » des autorités sénégalaises, qui ont su mobiliser les acteurs du marché. L’opération, orchestrée par SGI Invictus Capital & Finance, avec le soutien de SGI Société Générale West Africa, a bénéficié de l’appui de l’Autorité des Marchés Financiers de l’UEMOA (AMF-UMOA) et des investisseurs, institutionnels comme particuliers.

 

Cette réussite collective met en lumière le potentiel de la BRVM comme moteur de financement régional. Mais elle rappelle aussi l’urgence de réformes pour diversifier les sources de revenus et optimiser la gestion de la dette.

 

Vers une croissance durable ?

 

Avec ce record, le Sénégal pose un jalon dans l’histoire financière de l’UEMOA. Pourtant, l’enjeu dépasse le simple montant levé. Pour que ces fonds se traduisent en développement durable, les États devront innover, que ce soit par la titrisation, les obligations zéro coupon ou des réformes fiscales. La BRVM, en pleine expansion, offre une plateforme prometteuse, mais son succès dépendra de la capacité des gouvernements à équilibrer ambition et prudence financière.

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