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  • 07/11/2025

Sénégal et FMI : Sortir de la dette cachée pour retrouver la confiance

Après le scandale de la dette dissimulée, Dakar tente de regagner la confiance des bailleurs. Le FMI salue les réformes engagées et la solidité de l’économie, mais avertit : la route vers la transparence budgétaire ne fait que commencer.

 

Un pays en convalescence économique

 

L’économie sénégalaise respire à nouveau.
Après plusieurs mois de turbulences liées à la révélation d’une dette publique sous-déclarée, Dakar semble regagner du crédit auprès de ses partenaires.
Dans un communiqué publié le 6 novembre 2025, le Fonds monétaire international (FMI) a salué les « progrès significatifs » réalisés dans la gestion des finances publiques et les réformes structurelles en cours.

 

« L’économie sénégalaise demeure robuste, soutenue par la première année complète de production de pétrole et de gaz et par la reprise du secteur agricole », a déclaré Edward Gemayel, chef de mission du FMI pour le Sénégal.
Selon le Fonds, la croissance du PIB atteindra 7,9% en 2025, tandis que l’inflation se maintiendra autour de 1,4% — un taux exceptionnellement bas dans la région.

 

La dette cachée, un fardeau hérité

 

Ce regain de confiance reste fragile.
Les nouvelles autorités ont hérité d’une dette colossale, estimée à 132% du PIB fin 2024, dont 4% d’arriérés intérieurs encore en cours d’audit.
Ces chiffres, confirmés par le FMI, traduisent l’ampleur de la “dette cachée” contractée sous le précédent régime, à travers des engagements non consolidés ou des garanties publiques passées sous silence.

Le Fonds reconnaît néanmoins la transparence du gouvernement actuel.

Les équipes de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont lancé un audit complet, piloté par l’Inspection générale des finances, afin de reconstituer la réalité de l’endettement et restaurer la crédibilité de l’État.
Une démarche que Gemayel qualifie de « ferme engagement en faveur de la rigueur budgétaire et de la transparence ».

 

Réformes à marche forcée

 

Pour tourner la page, Dakar mise sur une discipline budgétaire stricte.
Le déficit devrait reculer de 13,4% du PIB en 2024 à 7,8% en 2025, puis 5,4% en 2026, selon les prévisions du projet de loi de finances.
L’exécutif prévoit de mobiliser davantage de recettes via de nouvelles taxes — sur les jeux de hasard, les transferts mobiles et la fiscalité foncière — tout en réduisant progressivement les exonérations.

 

Mais le FMI appelle à la prudence : le rendement fiscal attendu est jugé « très ambitieux ».
Dakar doit éviter l’écueil d’une politique de recettes irréalistes qui freinerait la croissance ou grèverait les investissements prioritaires.
Le Fonds insiste sur la nécessité de préserver les dépenses sociales et productives, notamment dans l’agriculture, l’énergie et les PME.

 

Rebâtir la confiance

 

Au-delà des chiffres, c’est la crédibilité institutionnelle du Sénégal qui se joue.
Le FMI demande la centralisation de la gestion de la dette au sein d’un seul ministère, une publication régulière des données financières et un renforcement du contrôle parlementaire.
Ces mesures visent à refermer les failles qui ont permis la dissimulation de milliards de francs CFA d’engagements passés.

 

Malgré la rigueur du diagnostic, la tonalité du communiqué est positive.
Le FMI ne parle plus de « violation » ou de « non-déclaration », mais d’un partenariat en reconstruction.
« Nous nous réjouissons de poursuivre notre dialogue dans les semaines à venir afin de finaliser un accord sur les politiques et réformes restantes », a précisé Edward Gemayel.

 

Cap sur un nouvel accord

 

Aucune décision n’a encore été prise concernant le nouveau programme d’aide suspendu depuis la découverte de la dette cachée.
Mais, selon plusieurs sources proches du dossier, un accord pourrait intervenir d’ici le premier trimestre 2026 si les réformes avancent au rythme prévu.

 

Pour Dakar, ce serait un signal fort envoyé aux investisseurs et aux partenaires internationaux : celui d’un retour à la discipline et à la transparence après des années de gestion budgétaire opaque.
La confiance ne se décrète pas, elle se reconstruit — et le Sénégal semble avoir choisi de le faire à visage découvert.

 

Un test grandeur nature

 

Le pays joue gros : il doit réduire sa dette sans casser la dynamique de croissance, restaurer la transparence sans étouffer l’investissement, et convaincre que la réforme n’est pas un simple exercice cosmétique.
Le FMI, prudent mais encourageant, accompagnera la transition.
Le Sénégal, lui, doit désormais prouver que sa “dette cachée” appartient définitivement au passé.