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  • 15/07/2025

Société Générale quitte le Cameroun : l’État reprend le contrôle d’un acteur bancaire majeur

Le désengagement de Société Générale d’Afrique subsaharienne franchit une nouvelle étape significative. Le 15 juillet 2025, le groupe bancaire français a annoncé avoir signé un accord avec l’État camerounais en vue de lui céder l’intégralité de sa participation – soit 58,08% – dans Société Générale Cameroun. Avec cette opération, l’État, déjà actionnaire minoritaire, portera sa part à 83,68%, devenant ainsi le principal détenteur de la première banque du pays par la taille de ses actifs.

 

Selon le communiqué officiel du groupe, la transaction devrait être finalisée d’ici la fin de l’année 2025, sous réserve de l’approbation des autorités réglementaires compétentes. Elle devrait générer un effet positif de six points de base sur le ratio de solvabilité CET1 de Société Générale.

 

Une stratégie de retrait assumée

 

La sortie du Cameroun s’inscrit dans un mouvement plus large engagé par Société Générale depuis 2023. Le groupe a progressivement cédé ses filiales dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, notamment en Guinée, au Tchad, au Burkina Faso, en Mauritanie, au Mozambique, au Congo-Brazzaville et, plus récemment, au Maroc, où le groupe Saham a repris la Société Générale Maroc (SGMB). Ces opérations répondent à une volonté stratégique de rationalisation, portée par le directeur général Slawomir Krupa, en fonction depuis mai 2023.

 

Ce recentrage vise à concentrer les ressources du groupe sur des marchés considérés comme prioritaires ou à forte rentabilité, comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Tunisie ou encore l’Algérie, où la banque bénéficie d’une assise commerciale solide et d’une meilleure efficacité opérationnelle.

 

Une montée en puissance de l’État camerounais

 

Du côté camerounais, cette reprise de contrôle s’inscrit dans un contexte plus large de renforcement de la souveraineté économique. En devenant actionnaire majoritaire de Société Générale Cameroun, l’État affirme sa volonté de peser davantage sur les décisions stratégiques d’un acteur clé du système financier national. Cette prise de participation permettra à l’exécutif de superviser directement une banque qui joue un rôle central dans le financement de l’économie camerounaise, y compris pour les PME, les collectivités et les projets d’infrastructure.

 

Le retrait de Société Générale, présente dans le pays depuis plus de six décennies, modifie en profondeur l’équilibre du secteur bancaire camerounais. Dans un marché où cinq établissements concentrent près de 70% des dépôts et des crédits, la sortie d’un groupe étranger de cette envergure constitue un signal fort.

 

Une transaction sécurisée pour éviter toute rupture

 

Le communiqué du groupe précise que l’État camerounais reprendra l’ensemble des activités de la filiale, y compris ses portefeuilles clients et ses collaborateurs. Cette continuité opérationnelle est essentielle pour préserver la confiance des clients et des marchés, dans un secteur où la stabilité des acteurs est cruciale. Le journal économique local EcoMatin a confirmé l’information, en reprenant les éléments clés de l’accord tels qu’annoncés par le groupe Société Générale.

 

La garantie de non-rupture dans les services, conjuguée à une reprise intégrale du personnel, permet d’envisager une transition en douceur. Cela évite également tout risque de désorganisation interne ou de retrait de la clientèle institutionnelle et privée.

 

Une tendance plus large de désengagement européen

 

Le cas camerounais s’inscrit dans une dynamique plus globale : celle du désengagement progressif des banques européennes en Afrique francophone. BNP Paribas, Crédit Agricole, et d’autres groupes bancaires ont également réduit leur exposition au continent, en raison de contraintes réglementaires croissantes, de risques géopolitiques et de niveaux de rentabilité jugés insuffisants dans certains pays.

 

Dans le même temps, des groupes panafricains comme Vista Bank, Coris Bank, Atlantic Financial Group et Saham reprennent les actifs cédés, marquant une réorganisation en profondeur du paysage bancaire africain. Cette reconfiguration pourrait favoriser l’émergence de champions régionaux, mieux intégrés aux réalités locales, mais pose également des défis en matière de supervision, de gouvernance et de conformité.

 

Selon Le Monde, qui observe depuis plusieurs années le retrait des banques françaises, « l’Afrique francophone reste un terrain de croissance, mais avec des risques réglementaires, politiques et de conformité de plus en plus lourds pour les banques européennes ».

 

Un changement de paradigme en Afrique centrale

 

Cette cession marque un tournant dans la présence historique des banques françaises en Afrique centrale. En se retirant du Cameroun, Société Générale clôt un chapitre entamé dans les années 1960. La région devra désormais compter davantage sur ses propres institutions, ou sur des groupes régionaux capables d’assumer les responsabilités jusque-là portées par les grandes banques internationales.

 

Cette transition ouvre des opportunités, notamment en matière de bancarisation, de financement localisé et de soutien aux politiques publiques. Mais elle soulève aussi des questions : les États sont-ils prêts à gérer efficacement des entités bancaires stratégiques ? L’environnement réglementaire pourra-t-il accompagner cette mutation sans créer de fragilité ?

 

La sortie de Société Générale du Cameroun n’est pas un simple transfert d’actions. Elle illustre un réalignement stratégique à l’échelle continentale, où les États, les acteurs régionaux et les groupes africains reprennent progressivement le contrôle d’un secteur longtemps dominé par des intérêts extérieurs. Pour le Cameroun, cette prise de contrôle est à la fois un acte de souveraineté économique et un test de gouvernance. Pour l’Afrique francophone, elle confirme qu’une nouvelle ère bancaire est en marche.