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  • 23/09/2025

Cameroun : Un crédit de 7 millions d’euros pour relancer la CDC

Le président Paul Biya a signé, le 22 septembre 2025, un décret autorisant le ministre de l’Économie à contracter avec Standard Chartered Bank Londres un crédit de 7,1 millions d’euros (environ 4,67 milliards FCFA). Officiellement destiné à financer des usines d’huile de palme, de margarine et d’hévéa au profit de la Cameroon Development Corporation (CDC), ce prêt modeste soulève de grands enjeux : redressement industriel, soutenabilité de la dette et gouvernance publique.

 

Le feu vert présidentiel

 

Le décret n°2025/469 habilite le ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire à signer un accord de financement avec Standard Chartered Bank. Ce prêt vise à équiper la CDC en unités de transformation. Dans un pays où la transformation locale reste le maillon faible de l’agro-industrie, l’opération pourrait changer la donne.

 

Un montant modeste, un symbole fort

 

À l’échelle des finances publiques, 7,1 millions d’euros paraissent modestes : le budget 2025 du Cameroun dépasse 7 500 milliards FCFA, selon la loi de finances. Mais l’intérêt de ce crédit réside dans son ciblage sectoriel. L’huile de palme et l’hévéa figurent parmi les principales cultures de rente du pays, aux côtés du cacao et du café. D’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production d’huile de palme au Cameroun dépasse 450 000 tonnes par an, mais la transformation reste insuffisante, obligeant le pays à importer de l’huile raffinée.

 

La CDC, géant fragilisé

 

Créée en 1947, la Cameroon Development Corporation est le deuxième employeur du pays après l’État, avec plus de 20 000 travailleurs. Mais l’entreprise publique accumule les difficultés : pertes financières, dettes, chute de la productivité, sans compter les impacts de la crise anglophone qui a paralysé une partie de ses plantations. En 2019, la direction avait reconnu que la CDC était « au bord de l’asphyxie financière ». Ce crédit, orienté vers des usines de transformation, pourrait lui permettre de capter davantage de valeur ajoutée.

 

Standard Chartered : un prêteur familier

 

La banque britannique n’en est pas à son premier partenariat avec Yaoundé. Elle a déjà participé à la structuration de dettes publiques et d’opérations de financement d’infrastructures en Afrique centrale. Son implication traduit une ouverture du Cameroun aux financements commerciaux internationaux, mais pose aussi la question des conditions contractuelles : taux d’intérêt, garanties exigées, clauses de remboursement.

 

Risques financiers à surveiller

 

Le prêt sera libellé en euros, tandis que les recettes de la CDC sont en francs CFA. Le risque de change est donc réel. « Le service de la dette extérieure du Cameroun reste gérable mais appelle à la vigilance », alertait le FMI dans son rapport Article IV de juillet 2024. L’endettement public avoisine désormais 45% du PIB, contre 12% en 2007.

 

En parallèle, la question de la gouvernance reste cruciale. Transparence dans l’attribution des marchés, audits indépendants et suivi technique rigoureux seront indispensables pour éviter un énième prêt dont l’impact se dilue dans les lenteurs administratives.

 

Opportunités industrielles

 

Si le projet est bien exécuté, les bénéfices sont tangibles :

  • accroître la transformation locale et réduire les importations de produits alimentaires transformés ;
  • stimuler la création d’emplois directs et indirects ;
  • générer des devises à l’exportation grâce à l’hévéa et ses dérivés.

 

L’enjeu dépasse la CDC : il s’agit de tester la capacité du Cameroun à mobiliser des financements ciblés et à en tirer une réelle valeur ajoutée industrielle.

 

Ce crédit de 7 millions d’euros ne transformera pas, à lui seul, la trajectoire de la CDC ni celle de l’économie camerounaise. Mais il constitue un signal politique et économique : Yaoundé veut relancer ses champions publics de l’agro-industrie. Le succès dépendra moins de la signature du prêt que de la manière dont il sera géré, investi et suivi. Comme le rappelle le FMI, « la discipline budgétaire et la transparence restent des conditions essentielles à la croissance durable ».