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  • 11/09/2025

État civil ivoirien : Progrès en trompe-l’œil, fractures persistantes

En Côte d’Ivoire, l’état civil reste un chantier inachevé. Le dernier rapport de l’Agence Nationale de la Statistique (ANStat), publié avec le soutien de l’UNICEF, révèle des avancées quantitatives mais aussi des failles structurelles préoccupantes. Derrière les chiffres, une réalité contrastée : celle d’un système encore inégal, partiellement numérisé, et peu interconnecté.

 

Naissances : un taux d’enregistrement encore trop faible

 

En 2024, plus d’un million de naissances ont été enregistrées. Pourtant, seuls 55,4% l’ont été dans le délai légal de trois mois. Ce taux chute à 38,3% dans certaines régions comme le Bas-Sassandra, tandis qu’Abidjan affiche une performance bien supérieure (72,9%). Ces disparités territoriales traduisent un accès inégal aux services publics.

 

« L’enregistrement des naissances est un droit fondamental. Il conditionne l’accès à l’éducation, à la santé et à la citoyenneté », rappellait Henriette Konan Banny, représentante de l’UNICEF en Côte d’Ivoire, dans un communiqué officiel de 2023.

 

Décès : un déficit statistique préoccupant

 

Le rapport souligne une sous-déclaration massive des décès : seulement 22,9% sont enregistrés. Ce manque de données fiables entrave la planification des politiques sanitaires, la gestion des retraites, et la surveillance épidémiologique. À titre de comparaison, les mariages sont mieux couverts (93,9%), avec une nette préférence pour le régime de la communauté de biens (84%).

 

Divorces et adoptions : des chiffres révélateurs

 

Les divorces sont en baisse : 1 710 demandes en 2024, contre 2 000 en 2023. La majorité des cas sont réglés par consentement mutuel, ce qui témoigne d’une évolution des pratiques sociales. Côté adoptions, 375 demandes ont été enregistrées, dont 224 ont été accordées, majoritairement pour des mineurs.

 

Diaspora : un état civil consulaire actif

 

Les représentations diplomatiques ivoiriennes ont enregistré 14 099 naissances, 1 264 mariages et 519 décès à l’étranger. L’Europe domine pour les mariages, tandis que l’Afrique reste le principal lieu de naissance et de décès des ressortissants ivoiriens. Ces données confirment l’importance croissante de la diaspora dans les dynamiques démographiques du pays.

 

Digitalisation : un potentiel encore sous-exploité

 

Le logiciel Cityweb, censé centraliser les données d’état civil, n’est utilisé que partiellement. Des écarts importants subsistent entre les registres manuels et numériques. L’interopérabilité entre les services sanitaires et les bureaux d’état civil reste faible, ce qui nuit à la fiabilité des statistiques.

 

« La digitalisation de l’état civil est une urgence. Elle permettrait de mieux coordonner les services et de garantir des données fiables », souligne le ministère de la Promotion de la Bonne Gouvernance dans son plan stratégique 2022–2026.

 

Recommandations : vers une refonte du système

 

Le rapport propose plusieurs pistes :

  • Intensifier les campagnes de sensibilisation
  • Renforcer la coordination entre les services
  • Étendre l’usage du numérique à toutes les circonscriptions
  • Mener une étude sur les pratiques des populations

 

Ces recommandations, si elles sont mises en œuvre, pourraient transformer l’état civil en un véritable levier de développement. Mais elles nécessitent une volonté politique forte, des moyens techniques, et une mobilisation citoyenne.