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  • 17/07/2025

États-Unis : La chasse aux financiers de l’État islamique en Afrique s’intensifie

Les États-Unis, en collaboration avec plusieurs pays du Golfe, ont annoncé le 15 juillet 2025 des sanctions financières ciblées contre trois ressortissants africains soupçonnés de soutenir l’État islamique (EI) sur le continent. Une stratégie qui vise à tarir les ressources des réseaux terroristes actifs en Afrique, en misant sur la coopération internationale et le gel des avoirs.

 

Des profils identifiés dans plusieurs régions d’Afrique

 

Le Trésor américain, par le biais de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), a inscrit sur sa liste noire trois individus soupçonnés de jouer un rôle central dans le financement de groupes affiliés à l’EI. L’opération s’est faite dans le cadre du Centre contre le financement du terrorisme (TFTC), une coalition réunissant les États-Unis, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït, Oman et Bahreïn.

 

Parmi les personnes visées, figure Hamidah Nabagala, une ressortissante ougandaise installée en République démocratique du Congo (RDC). Selon l’OFAC, elle aurait servi d’intermédiaire entre des bailleurs de fonds et les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé actif dans l’Est de la RDC, affilié à l’État islamique depuis 2017. Nabagala est également suspectée d’avoir contribué au financement de l’attentat de Kampala en 2021, qui a causé plusieurs morts dans la capitale ougandaise.

 

Autre cible des sanctions : Zayd Gangat, citoyen sud-africain, connu des services de renseignement. Il est accusé d’avoir mis en place un réseau de financement pour l’EI en Afrique du Sud, reposant sur des activités criminelles telles que le racket, les enlèvements et les braquages. Le Trésor américain le soupçonne aussi d’être impliqué dans le recrutement et la formation de combattants pour le compte de l’organisation terroriste. L’Afrique du Sud, dont le système bancaire est sophistiqué mais la régulation parfois jugée permissive, est depuis plusieurs années considérée comme une plateforme logistique potentielle pour les réseaux djihadistes.

 

Le troisième individu sanctionné, Abdiweli Mohamed Yusuf, est un Somalien présenté comme un haut responsable de la branche locale de l’EI. Il serait chargé de la logistique liée au transport d’armes, de munitions et de combattants étrangers vers les zones contrôlées par l’organisation en Somalie, où elle reste en concurrence avec les militants d’al-Shebab.

 

Des sanctions coordonnées et à portée immédiate

 

Les trois individus sont désormais désignés comme Specially Designated Global Terrorists (SDGT), en vertu du décret exécutif américain 13224. Cette désignation permet le gel immédiat de leurs avoirs aux États-Unis ou dans tout établissement financier relevant de la juridiction américaine, ainsi que l’interdiction pour toute entité américaine de traiter avec eux. Les États membres du TFTC se sont également engagés à appliquer des mesures similaires sur leur territoire.

 

Le sous-secrétaire au Trésor américain chargé du terrorisme et du renseignement financier, Brian E. Nelson, a souligné que ces mesures visent à démontrer « l’engagement [des États-Unis] à couper les lignes de financement des réseaux terroristes, où qu’ils se trouvent ». Les plateformes de transfert d’argent, les banques commerciales et les institutions numériques sont appelées à intensifier leurs contrôles et à bloquer toute opération suspecte liée à ces personnes.

 

Une pression croissante sur les États africains

 

Au-delà des sanctions, cette action diplomatique et financière constitue un signal adressé aux États africains concernés. Les États-Unis et leurs partenaires espèrent susciter une réaction concrète de la part des gouvernements de la RDC, de l’Ouganda, de la Somalie et de l’Afrique du Sud, à travers l’ouverture d’enquêtes, des arrestations ou des poursuites judiciaires.

 

Le financement du terrorisme passe souvent par des circuits difficiles à identifier : réseaux informels, transferts de fonds non déclarés, systèmes de prête-noms, voire recours aux cryptomonnaies. Dans un rapport de 2024, le Groupe d’action financière (GAFI) alertait déjà sur le recours croissant à ces mécanismes en Afrique pour échapper à la surveillance des États et des institutions bancaires.

 

En ciblant les mécanismes financiers, les autorités espèrent assécher progressivement les ressources logistiques des groupes armés. Cette approche, plus discrète que les opérations militaires classiques, permet d’identifier les soutiens économiques et les complicités qui nourrissent l’instabilité sécuritaire.

 

Une guerre de l’ombre aux ramifications globales

 

L’opération du 15 juillet pourrait être la première d’une série. D’autres sanctions sont à l’étude, selon plusieurs responsables américains. Les banques africaines, les ONG et les entreprises locales sont invitées à renforcer leurs dispositifs de contrôle, en lien avec des institutions internationales comme le FMI ou la Banque mondiale.

 

Loin des champs de bataille, une autre guerre se joue désormais dans les coulisses : celle du renseignement financier. Elle implique les régulateurs, les cellules anti-blanchiment, les plateformes de paiement et les autorités de supervision bancaire. À ce titre, Elizabeth Rosenberg, secrétaire adjointe au Trésor, rappelait récemment que « les réseaux financiers terroristes s’adaptent, se numérisent et se déplacent. Notre réponse doit être tout aussi agile. »

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