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  • 17/07/2025

Ghana : L’économie souffle enfin. Mais pour combien de temps ?

Au Ghana, Le taux de variation des prix à la production est tombée à 5,9% en juin 2025, son niveau le plus bas depuis novembre 2023. Cette décrue, portée notamment par les secteurs minier et manufacturier, marque un tournant significatif, selon les données publiées par le Ghana Statistical Service.

 

Un repli historique de l’inflation au consommateur

 

L’inflation au Ghana poursuit sa décrue à un rythme inédit. En juin 2025, le taux d’inflation est tombé à 13,7%, contre 18,4% en mai, selon les chiffres publiés par le Ghana Statistical Service (GSS). Ce niveau, le plus bas depuis décembre 2021, marque le sixième mois consécutif de baisse.

 

Le mouvement est d’autant plus marquant qu’en mars, l’inflation s’élevait encore à 22,4%. En trois mois seulement, le pays a connu une réduction de près de neuf points de pourcentage. Une dynamique rarement observée depuis la crise monétaire de 2014, au cours de laquelle le Ghana avait dû faire appel au soutien du FMI.

 

L’alimentaire, moteur principal du ralentissement

 

Cette amélioration du climat inflationniste s’explique en premier lieu par le ralentissement des prix alimentaires. Ceux-ci sont passés de 26,8% en avril à 22,8% en mai, puis à 16,3% en juin. Cette tendance reflète une meilleure disponibilité des produits agricoles sur les marchés intérieurs, mais aussi une certaine stabilisation des coûts logistiques, notamment dans le transport des vivres vers les centres urbains.

 

Le mouvement touche aussi les produits non alimentaires. Entre mai et juin, leur inflation a reculé de 14,4% à 11,4%, ce qui indique un desserrement des tensions dans plusieurs secteurs, comme les loyers, l’ameublement ou l’énergie domestique. Cette évolution s’inscrit dans un cadre de politique monétaire volontairement rigide.

 

Une politique monétaire stricte, mais assumée

 

La Banque du Ghana a en effet maintenu son taux directeur à 28% depuis janvier 2024. Une stratégie résolument anti-inflationniste, combinée à une meilleure discipline budgétaire et à une relative appréciation du cedi, après des années de dépréciation continue. L’objectif : contenir les anticipations d’inflation et restaurer la crédibilité monétaire. Jusqu’ici, la combinaison semble produire ses effets.

 

Les prix producteurs en chute libre

 

Mais la désinflation ne concerne pas seulement les consommateurs. Du côté des producteurs aussi, les signaux sont significatifs. L’indice des prix à la production (IPP), qui mesure les prix perçus par les producteurs pour leurs biens et services, est tombé à 5,9% en juin, contre 10,1% un mois plus tôt. Il s’agit de son plus bas niveau depuis novembre 2023.

 

Cette baisse ne se limite pas à un ralentissement : elle correspond à une contraction réelle des prix reçus par les producteurs. Comme l’a précisé Dr Alhassan Iddrisu, statisticien en chef du gouvernement : « Il ne s'agit pas seulement d'un ralentissement de l'inflation, mais d'une baisse réelle des prix. En moyenne, les prix obtenus par les producteurs pour leurs biens et services ont reculé de 1,4% entre mai et juin. »

 

Mines et industrie : les deux grands contributeurs

 

Cette baisse de l’IPP est fortement concentrée. « La quasi-totalité de la baisse de l'inflation des producteurs provient de deux secteurs seulement : les mines et carrières et l'industrie manufacturière », a souligné Dr Iddrisu. Ces deux segments représentent une part considérable de la production nationale. Leur désinflation a donc des effets multiplicateurs sur l’ensemble de l’économie.

 

Autre signal notable : certains prix baissent désormais dans les services. « Les prix n'augmentent pas seulement plus lentement, certains, notamment ceux des transports, des hôtels et des restaurants, sont en fait en baisse », a indiqué le statisticien. Une évolution qui pourrait, si elle se confirme, alléger concrètement le budget des ménages et relancer la consommation intérieure.

 

Les perspectives : prudence et vigilance

 

Les analystes saluent ces progrès. L’agence Fitch Ratings prévoit que l’inflation moyenne pourrait s’établir autour de 15% d’ici la fin 2025. De son côté, le gouvernement vise un objectif encore plus ambitieux : 11,9%.

 

Mais plusieurs incertitudes pèsent. Le Ghana reste exposé aux aléas climatiques, aux fluctuations des cours mondiaux (notamment sur le pétrole, le cacao et l’or), et à un niveau de dette publique toujours élevé. La fragilité de certaines banques commerciales et le poids de la dette extérieure rendent toute rechute possible.

 

Le véritable défi consistera à transformer ce soulagement conjoncturel en stabilité durable. Car si l’inflation venait à repartir à la hausse, les marges de manœuvre budgétaires et monétaires risqueraient d’être rapidement épuisées.

 

En somme, le Ghana enregistre une double détente rare : les prix à la consommation diminuent, et ceux à la production suivent la même trajectoire. C’est un retournement bienvenu pour une économie longtemps étouffée par les hausses de prix. Mais la prudence reste de mise : ces acquis récents devront être consolidés dans un contexte régional et mondial toujours incertain.

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