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  • 24/11/2025

Finance environnementale : Le PPI change d’échelle et redistribue les cartes

Le Programme de Petites Initiatives (PPI) vient de lancer son premier appel à projets pour la période 2025–2030. Pour les habitués, c’est un rendez-vous important ; pour les néophytes, c’est souvent un objet un peu mystérieux. Pourtant, derrière cet acronyme discret, se cache l’un des mécanismes les plus influents — et les plus sous-estimés — de la conservation de la biodiversité en Afrique.

 

Et avec sa septième phase, le PPI prend une dimension nouvelle : il devient un instrument de diplomatie écologique, un levier de soft power porté non pas par les États, mais par la société civile africaine.

 

Le PPI, c’est quoi exactement ?

 

Né en 2006 et piloté par le Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) en partenariat avec le Comité français de l’UICN, le Programme de Petites Initiatives finance de petits projets de terrain, souvent menés par des organisations locales en Afrique subsaharienne.
Son principe est simple :

 

  • des subventions modestes (jusqu’à 30 000 €),
  • des projets très concrets (24 mois maximum),
  • portés par des OSC locales,
  • pour protéger la biodiversité tout en améliorant les conditions de vie des communautés.

 

Le PPI mise sur un modèle : des petits financements, mais un impact élevé, grâce à un accompagnement technique et un ancrage communautaire très fort. Depuis sa création, il a soutenu plusieurs centaines d’initiatives dans près de 30 pays africains.

 

Un programme modeste… qui redessine le pouvoir local

 

Cette septième phase, qui prévoit l’appui à environ 80 projets dans 26 pays, marque une évolution notable. La conservation n’y est plus seulement abordée sous l’angle technique — créer une aire protégée, lutter contre le braconnage, restaurer un écosystème — mais comme un chantier profondément politique.

 

Le focus sur les systèmes de gouvernance équitables, le partage des bénéfices, et l’implication directe des communautés locales montre que le PPI accompagne une bascule : il encourage des modèles où ce sont les populations, et non les structures étatiques ou les ONG étrangères, qui décident du devenir des territoires naturels.

 

Des “petits projets” qui pèsent lourd dans les dynamiques régionales

 

L’appel à projets publié ce mois-ci est réservé aux organisations qui n’ont jamais été financées par le PPI. Un choix volontaire qui vise à casser les cercles fermés de la finance environnementale pour faire émerger une nouvelle génération d’acteurs.

 

Dans un contexte marqué par la pression foncière, la financiarisation des forêts via les marchés carbone, la raréfaction des ressources hydriques et la progression des conflits humains-faune, ce renouvellement des forces vives n’est pas un détail technique : c’est une décision stratégique.

 

L’inclusivité comme nouveau standard opérationnel

 

Le PPI 7 affirme une vision forte : pas de conservation durable sans justice sociale.
Les critères mettent en avant :

  • la participation des peuples autochtones,
  • l’inclusion des minorités et des femmes,
  • l’implication des jeunes,
  • des systèmes de décision transparents et équitables.

 

On ne protège plus une zone humide, une savane ou une forêt comme il y a 20 ans. On construit un modèle collectif, avec des retombées visibles pour ceux qui vivent sur le territoire. C’est cette approche qui distingue le PPI des programmes classiques : il ne vient pas “imposer un plan”, il fabrique des coalitions locales.

 

Un laboratoire qui inspire les bailleurs

 

Derrière les montants modestes, le PPI teste des approches que les bailleurs internationaux observent avec attention.
Son efficacité repose sur trois piliers :

  • simplicité administrative,
  • accompagnement rapproché,
  • impact rapide et mesurable.

 

Dans une époque où les méga-programmes commencent à montrer leurs limites, le PPI ressemble de plus en plus à une préfiguration des modèles de financement de demain : petits montants, forte agilité, ancrage territorial.

 

Une Afrique qui reprend la main sur sa narration écologique

 

L’un des effets les plus intéressants de cette nouvelle phase est moins visible dans les chiffres que dans le discours : les OSC financées ne parlent plus seulement de biodiversité, elles parlent de droits, de justice environnementale, de territorialité, de souveraineté écologique.

 

Dans un continent où l’exploitation des ressources naturelles reste au cœur des tensions entre États, multinationales et communautés, cette prise de parole locale prend une dimension géopolitique. Le PPI ne règle pas ces tensions, mais il donne à la société civile des outils pour peser dans les débats.

 

En définitive : un micro-programme à l’ambition macro

 

Le PPI peut donner l’illusion d’un dispositif technique réservé aux ONG spécialisées. Il n’en est rien.
Avec cette 7ᵉ phase, il devient un vecteur de transformation silencieuse :
il redistribue le pouvoir au niveau local,
il renforce le leadership africain en matière d’écologie,
il place les communautés au centre des décisions,
et il contribue à rééquilibrer la diplomatie environnementale au profit des acteurs africains.

 

Les montants sont petits.
Les effets, eux, deviennent structurels.