News
  • 24/11/2025

Tororo se transforme : L’Ouganda investit 500 millions de dollars dans l’acier

Le 23 novembre 2025 restera une date marquante pour l’industrialisation de l’Afrique de l’Est. Dans le district de Tororo, les présidents Yoweri Museveni de l’Ouganda et William Ruto du Kenya ont inauguré les travaux de la Devki Mega Steel Plant, un projet sidérurgique estimé à 500 millions de dollars. Cette usine, promise à devenir l’une des plus grandes de la région, incarne un tournant stratégique pour l’économie ougandaise et pour la valorisation locale de ses ressources minières.

 

Portée par le groupe kényan Devki Steel Limited, dirigé par Dr Narendra Raval, l’usine sera verticalement intégrée, transformant le minerai extrait localement jusqu’au produit fini. Selon Devki, elle devrait produire un million de tonnes d’acier par an, renforçant la position de l’Ouganda dans le marché régional. Pour Dr Raval, la dimension sociale est centrale : 90% des emplois directs seront attribués aux habitants des communautés locales, soit environ 15 000 postes, auxquels s’ajouteront des milliers d’emplois indirects dans la logistique et les services.

 

L’Ouganda dispose de réserves de minerai de fer considérables, estimées à plus de 500 millions de tonnes, notamment à Kabale et Tororo. Pendant longtemps, ces ressources ont été exportées sous forme brute, privant le pays de la valeur ajoutée. Avec cette usine, l’État amorce un virage stratégique : transformer ses ressources sur place, renforcer sa souveraineté industrielle et stimuler une économie locale jusqu’ici largement dépendante des importations d’acier.

 

Le projet a également une portée régionale. Le président Ruto a salué l’initiative comme “un nouveau chapitre dans les ambitions d’industrialisation de l’Afrique de l’Est” et a insisté sur l’importance de connecter Tororo au réseau ferroviaire Standard Gauge (SGR), facilitant ainsi le transport des matières premières et la distribution des produits finis vers le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda et la RDC. Cette dimension exportatrice, combinée à la production locale, pourrait réduire considérablement la dépendance de l’Afrique de l’Est aux importations d’acier.

 

Au-delà des bénéfices économiques, le projet représente une symbolique forte pour le gouvernement ougandais. Pour le président Museveni, cette usine est un acte de “libération économique” : pendant des siècles, l’Afrique a exporté ses matières premières sans en récolter les bénéfices. Avec ce projet, l’Ouganda commence à inverser cette logique. Il a également appelé à la coopération des communautés locales, notamment sur les questions de compensation foncière, afin de ne pas freiner le développement industriel.

 

Les perspectives sont ambitieuses. Devki prévoit un second projet à Kabale, dédié au raffinage du minerai, avec la création potentielle de 16 000 emplois supplémentaires. La combinaison de ces initiatives pourrait transformer la chaîne de valeur ougandaise et stimuler des secteurs comme la construction, l’ingénierie, la logistique et l’énergie. Sur le plan macroéconomique, la réduction des importations d’acier et la valorisation locale des minerais pourraient renforcer la balance commerciale et accroître la résilience industrielle de la région.

 

La cérémonie de Tororo n’était pas seulement symbolique. Elle marque un nouveau chapitre pour l’économie ougandaise et pour l’Afrique de l’Est. Le défi est immense : réussir à mobiliser les ressources humaines, techniques et logistiques nécessaires. Mais si les promesses sont tenues, l’usine pourrait devenir un modèle d’industrialisation régionale, où la transformation locale des ressources et l’intégration économique dessinent une trajectoire durable pour la croissance.