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  • 17/07/2025

Finance / Épargne formelle : Une nouvelle révolution silencieuse portée par le mobile

En quelques années, une mutation silencieuse mais déterminante est en train de remodeler les économies en développement : l’essor de l’épargne formelle. Selon le rapport Global Findex 2025 publié par le Groupe de la Banque mondiale, 40% des adultes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ont épargné sur un compte formel en 2024, contre seulement 24% en 2021. Une progression fulgurante de 16 points en trois ans, inédite depuis plus d'une décennie.

 

Cette dynamique traduit plus qu’un simple changement d’habitude financière. Elle marque un tournant dans la structuration des économies émergentes, où l’accès aux services bancaires demeure souvent inégal. En transférant leur épargne vers des canaux formels, les individus contribuent désormais à alimenter les circuits financiers nationaux, favorisant une mobilisation accrue de l’épargne intérieure — levier stratégique pour le financement du développement, l’investissement privé et la croissance inclusive.

 

Le téléphone mobile, catalyseur de l’inclusion financière

 

L’un des moteurs les plus puissants de cette transformation est aussi l’un des plus accessibles : le téléphone mobile. En 2024, 10% des adultes dans les économies en développement utilisaient un compte mobile pour épargner, soit le double du chiffre enregistré en 2021. Ce bond illustre la capacité des technologies numériques à réduire les barrières structurelles, notamment dans les zones rurales ou enclavées, éloignées des infrastructures bancaires traditionnelles.

 

L’Afrique subsaharienne illustre parfaitement cette transition. Dans cette région, la proportion d’adultes épargnant via des institutions financières est passée de 23% à 35% en trois ans, soit une hausse de 12 points. Ce progrès est soutenu par un écosystème d’argent mobile particulièrement développé, qui permet de transformer un simple téléphone en porte d’entrée vers l’épargne, les transferts d’argent et les paiements.

 

Pour Ajay Banga, président du Groupe de la Banque mondiale, l’enjeu est global : « La finance numérique peut concrétiser ce potentiel, mais plusieurs éléments doivent être réunis. […] Nous modernisons les systèmes de paiement et contribuons à lever les obstacles réglementaires. »

 

Vers une finance plus accessible et sécurisée

 

Cette montée en puissance de l’épargne formelle s’inscrit dans un environnement en mutation rapide. En 2024, 42% des adultes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ont effectué un paiement en ligne ou en magasin, contre 35% trois ans plus tôt. L’essor des paiements numériques, qu’ils soient liés aux salaires, à l’aide publique ou au commerce, renforce la confiance dans les systèmes financiers et accélère leur adoption.

 

L’inclusion financière progresse aussi sur le plan de l’égalité des genres. En 2024, 73% des femmes dans les économies en développement détiennent un compte bancaire, contre seulement 37% en 2011. Cette évolution, soutenue par les outils numériques, réduit progressivement l’écart avec les hommes et élargit le champ des opportunités économiques pour des millions de femmes.

 

Bill Gates, président de la Fondation Gates, partenaire du rapport, résume ainsi cette avancée : « Plus de personnes que jamais disposent des outils financiers nécessaires pour investir dans leur avenir […]. Investir dans des systèmes financiers inclusifs, des infrastructures publiques numériques et la connectivité est une évidence. »

 

Inclusion en progrès, mais encore incomplète

 

Malgré ces avancées notables, 1,3 milliard d’adultes dans le monde demeurent encore exclus des services financiers, selon le rapport. Or, parmi eux, près de 900 millions possèdent un téléphone mobile, dont 530 millions un smartphone. Le potentiel est donc considérable, mais encore sous-exploité.

 

La généralisation de systèmes de paiement instantanés — à l’image de l’UPI en Inde ou du PIX au Brésil —, couplée à une meilleure protection des consommateurs et à la sécurisation des données, pourrait permettre d’intégrer cette frange encore marginalisée de la population. Un enjeu d’autant plus critique que seule la moitié des détenteurs de téléphones portables dans les pays en développement protège leurs appareils par mot de passe.

 

Une dynamique forte en Afrique subsaharienne

 

Dans les économies d’Afrique subsaharienne, la détention d’un compte est passée de 49% à 58% entre 2021 et 2024. La région affiche les taux les plus élevés au monde en matière d’utilisation de l’argent mobile, ce qui constitue une base solide pour accélérer l’épargne formelle. Le défi à venir sera de traduire cette dynamique en croissance inclusive durable, en consolidant les liens entre innovation technologique, accès aux services financiers et développement économique local.

 

Une tendance de fond à consolider

 

Le Global Findex 2025 ne se contente pas d’observer une photographie des usages : il trace les contours d’un basculement structurel. En intégrant l’épargne dans les circuits formels, les populations renforcent leur résilience économique et participent plus directement à la vie économique de leur pays. Le numérique, s’il est bien encadré, offre les outils pour démocratiser cette dynamique.

 

Mais l’élargissement de l’inclusion financière ne pourra se faire sans une volonté politique forte, des investissements ciblés dans les infrastructures numériques, et une approche plus rigoureuse de la régulation. Le chemin est encore long, mais les signaux sont prometteurs.

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