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  • 16/07/2025

Inflation au Nigeria : le feu baisse mais continue de couver

En juin 2025, l’inflation nigériane marque un léger ralentissement, sans toutefois soulager véritablement les consommateurs. Les prix alimentaires, en particulier, continuent leur course ascendante. Décryptage.

 

Le Nigeria, première économie d’Afrique en termes de PIB, reste confronté à une inflation élevée. Selon les derniers chiffres du Bureau national des statistiques (NBS), l’indice des prix à la consommation (IPC) a atteint 123,39 en juin 2025, contre 121,35 en mai. Cela représente une hausse mensuelle de 1,68%. Sur un an, les prix ont grimpé de 22,22%, légèrement en dessous des 24,47% enregistrés en janvier.

 

Ce ralentissement apparent ne suffit cependant pas à dissiper les inquiétudes. "L’inflation reste très au-dessus du seuil de tolérance pour une économie émergente", prévient l’économiste Bismarck Rewane, dans une note publiée par Financial Derivatives Company.

 

Des hausses de prix tirées par les produits alimentaires

 

Le poste alimentation reste le principal moteur de l’inflation, avec une hausse annuelle frôlant les 25%. En variation mensuelle, les prix des denrées alimentaires ont bondi de 3,24% entre mai et juin. Les produits agricoles frais et les céréales sont les plus touchés.

 

Plusieurs facteurs alimentent cette flambée : coûts logistiques élevés, instabilité dans les zones rurales, dépréciation du naira, et pression sur les intrants agricoles.

 

L’analyste du cabinet SBM Intelligence, Ikemesit Effiong, note : "Le Nigeria dépend encore fortement des importations alimentaires. Or, avec la hausse des coûts mondiaux et un accès difficile au dollar, les prix intérieurs montent mécaniquement."

 

Inflation urbaine vs inflation rurale : deux vitesses

 

L’analyse territoriale révèle des écarts significatifs entre zones urbaines et rurales. En milieu urbain, l’inflation annuelle s’établit à 22,72%, contre 20,84% en zone rurale. Le niveau général des prix est aussi plus élevé dans les villes (IPC de 124,01 contre 121,90 en campagne).

 

Les citadins subissent davantage les hausses des services (transports, loyers, restauration), tandis que les zones rurales ressentent surtout l’impact des prix alimentaires.

 

Disparités fortes entre États fédérés

 

L’inflation varie également selon les États. D’après les données désagrégées du rapport, certains États du Sud-Est et du Delta enregistrent des hausses très au-dessus de la moyenne nationale.

 

- À Bayelsa, l’indice alimentaire grimpe de 28,6% sur un an.

 

- Dans les États d’Anambra, Akwa Ibom et Abia, les hausses tournent autour de 25%.

 

- À l’inverse, des États comme Adamawa ou Abuja affichent une inflation alimentaire plus modérée (entre 10% et 13%).

 

 

Ces disparités illustrent les différences dans les chaînes d’approvisionnement, la sécurité des routes, et l’accès aux marchés locaux.

 

Vers une stabilisation ? Pas encore

 

Le gouvernement fédéral a annoncé plusieurs mesures pour contenir l’inflation, dont des subventions ciblées sur les engrais, la restructuration des importations alimentaires, et des efforts pour soutenir le naira. La Banque centrale du Nigeria (CBN), quant à elle, maintient une politique monétaire stricte avec un taux directeur élevé (actuellement à 24,75%).

 

Mais les experts sont prudents. "Tant que la production locale reste insuffisante et que le climat monétaire reste volatil, l’inflation ne pourra pas reculer durablement", estime l’ancien gouverneur de la CBN, Sanusi Lamido Sanusi, lors d’un forum économique à Abuja.

 

Un impact social direct

 

L’enjeu dépasse les statistiques. Selon une enquête de la World Bank (avril 2025), plus de 60% des ménages nigérians affirment avoir réduit la taille de leurs repas quotidiens. Le coût de la vie augmente plus vite que les salaires, et les inégalités territoriales se creusent.

 

Pour de nombreux Nigérians, l’inflation n’est pas une question macroéconomique. C’est une réalité quotidienne.

 

La flambée des prix au Nigeria montre des signes de ralentissement, mais le pouvoir d’achat reste fortement entamé. Tant que les fondamentaux – production locale, logistique, stabilité monétaire – ne seront pas renforcés, l’inflation continuera de miner le quotidien des citoyens et de peser sur la relance économique.